Selon la Cour supérieure, le processus de réadaptation prévu dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne soustrait pas l’employeur à l’obligation d’accommodement raisonnable qui découle de la Charte des droits et libertés de la personne.
Certains droits prévus à la Charte des droits et libertés de la personne peuvent affecter directement ou indirectement la gestion d’un dossier « CSST »1. Parmi ces droits protégés, on retrouve l’interdiction de discriminer envers une personne parce qu’elle est porteuse d’un « handicap ». Or, tout récemment, dans l’affaire Caron, la Cour supérieure a rendu un jugement2 qui renverse un courant majoritaire de la Commission des lésions professionnelles (CLP) en concluant que le processus de réadaptation, prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), ne soustrait pas l’employeur à l’obligation d’accommodement raisonnable qui découle de la charte.
Avant d’aborder l’affaire Caron précitée, il importe de rappeler quelques grands principes généraux reconnus traditionnellement par les tribunaux quant au droit à la réadaptation d’un travailleur, victime d’une lésion professionnelle. Succinctement, les voici :
Le travailleur est éducateur. Depuis le 20 octobre 2004, il est victime d’une lésion professionnelle au coude gauche, soit une épicondylite, avec atteinte permanente le rendant incapable d’exercer ses tâches habituelles.
Après plusieurs discussions infructueuses avec la CSST, afin d’évaluer la possibilité d’un retour au travail du travailleur dans son organisation, l’employeur avait informé celui-ci et la CSST qu’aucun emploi convenable n’était disponible.
La CSST et sa Direction de la révision administrative avaient confirmé l’absence d’un emploi convenable chez son employeur, puis la CSST avait procédé à l’élaboration d’un programme de réadaptation individualisé, afin de permettre au travailleur de trouver un nouvel emploi auprès d’un autre employeur. De plus, la CSST reconnaissait l’expiration du droit de retour au travail du travailleur.
Le travailleur a contesté cette décision à la Commission des lésions professionnelles. Ce dernier prétendait qu’au moment de la détermination des limitations fonctionnelles, et ce, avant l’expiration de son droit au retour au travail, il n’y avait jamais eu de véritable démarche, de la part de son employeur, pour lui déterminer un emploi convenable. Plus précisément, selon le requérant, en refusant d’adapter un poste en fonction de ses limitations fonctionnelles, l’employeur n’avait pas respecté son obligation d’accommodement raisonnable.
Appliquant la position traditionnelle précitée, la CLP a rejeté les prétentions du travailleur. La cause a été portée devant la Cour supérieure.
Dans une décision de 110 paragraphes et après avoir analysé le droit applicable en matière de charte, la Cour supérieure a conclu que la décision de la CLP était déraisonnable et devait être annulée.
Pour la Cour, la LATMP confère un « droit d’occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur » (art. 239, LATMP). Le recours du travailleur devant la CLP visait à faire déclarer qu’il pouvait occuper un emploi convenable identifié chez son employeur, soit celui d’éducateur, pourvu que ce dernier soit adapté afin de tenir compte de ses limitations fonctionnelles permanentes.
Or la CLP s’est contentée d’affirmer que la LATMP était conforme à la charte. Pour la Cour supérieure, la véritable question était plutôt de savoir si la position de l’employeur était discriminatoire. Il revenait à la CLP de trancher cette question. Si tel était le cas, elle aurait dû imposer les mesures de réparation prévues à l’article 49 de la charte, et ordonner à l’employeur d’accommoder le travailleur.
La Cour supérieure a renvoyé le dossier à la CLP, afin que celle-ci rende une nouvelle décision qui tient compte des dispositions de la charte en matière de discrimination et de réparation. Implicitement, la Cour supérieure a imposé à la CLP d’analyser l’obligation d’accommoder raisonnablement le travailleur, sous réserve d’une contrainte excessive.
Le 21 août 2014, le plus haut tribunal du Québec, soit la Cour d’appel du Québec, a accueilli une requête de la CSST pour permission d’en appeler de ce jugement9. Incessamment, le jugement devrait être rendu. Nous vous informerons dès que possible.