En avril 2012, un travailleur décède lors de l’effondrement d’une paroi d’une tranchée non étançonnée dans laquelle il se trouvait. Son employeur est alors poursuivi en vertu de deux lois : le Code criminel du Canada et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Trois ans plus tard, la Régie du bâtiment décide de révoquer sa licence d’entrepreneur de construction.
Le 3 avril 2012, un travailleur, Gilles Lévesque, est décédé lors de l’effondrement d’une paroi de la tranchée non étançonnée dans laquelle il se trouvait. Son employeur, S. Fournier Excavation, a été poursuivi en vertu de deux lois : le Code criminel du Canada et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. De plus, le 21 avril 2015, la Régie du bâtiment du Québec, sous la plume de Me Sylvie Séguin, révoquait sa licence d’entrepreneur de construction1.
Voici une brève chronologie.
Le 3 avril 2012. Accident tragique. Décès du travailleur, Gilles Lévesque, enseveli dans une tranchée.
Le 18 avril 2013. Une accusation d’avoir causé la mort par négligence criminelle est portée contre M. Sylvain Fournier, en vertu de l’article 220 b) du Code criminel. Le dossier est toujours en cours.
L’article 220 b) se lit comme suit :
220. Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort d’une autre personne est coupable d’un acte criminel passible :
[…]
b) dans les autres cas, de l’emprisonnement à perpétuité
Deux ans plus tard, soit le 14 avril 2015, a lieu l’enquête préliminaire sur ce dossier2. La juge Louise Villemure permet alors l’ajout d’une autre accusation, soit celle d’homicide involontaire, en vertu de l’article 222 (1) du Code criminel.
222. (1). Commet un homicide quiconque, directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d’un être humain.
Le 15 novembre 2012, S. Fournier Excavation plaide coupable à l’infraction selon l’article 237 de la LSST, « soit d’avoir compromis directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur lors de l’exécution de travaux d’excavation ».
L’amende infligée, en 2012, de 57 293 $, est contestée. Ce dossier est en suspens.
L’article 237 se lit comme suit :
237. Quiconque, par action ou par omission, agit de manière à compromettre directement et sérieusement la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur commet une infraction et est passible :
1° dans le cas d’une personne physique, d’une amende d’au moins 1 500 $ et d’au plus 3 000 $ dans le cas d’une première infraction, d’une amende d’au moins 3 000 $ et d’au plus 6 000 $ dans le cas d’une récidive et d’une amende d’au moins 6 000 $ et d’au plus 12 000 $ pour toute récidive additionnelle;
2° dans le cas d’une personne morale, d’une amende d’au moins 15 000 $ et d’au plus 60 000 $ dans le cas d’une première infraction, d’une amende d’au moins 30 000 $ et d’au plus 150 000 $ dans le cas d’une récidive et d’une amende d’au moins 60 000 $ et d’au plus 300 000 $ pour toute récidive additionnelle.
Le 21 avril 2015, il y a révocation de la licence d’entrepreneur en construction de S. Fournier par un jugement de la Régie du bâtiment3.
[175] La preuve démontre que Fournier inc. ne met pas en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité à l’occasion des travaux d’excavation. Nous l’avons écrit et le répétons, ce manquement est très grave.
[176] Ce constat est suffisant. Il ne s’agit pas d’attendre que surviennent plusieurs accidents avant que la Régie n’intervienne.
[177] La sécurité et l’intérêt public sont au cœur de la mission de la Régie. Une fois l’atteinte constatée il faut analyser si objectivement, le comportement du dirigeant et répondant de Fournier inc. s’écarte de la norme attendue.
[178] Certes Fournier inc. est une entreprise de petite taille et ne peut offrir des programmes de sécurité de l’envergure de ceux élaborés dans les grandes entreprises. Cela ne signifie pas, cependant, que Fournier inc. est exempte de se conformer à ses obligations légales en matière de sécurité.
[180] Aucune formation ou supervision n’a été instaurée au sein de l’entreprise à la suite de l’accident. De nouveaux contrats d’excavation sont exécutés alors que l’entreprise n’a pas déployé les mesures nécessaires à assurer la sécurité des opérations d’excavation. Elle n’a dispensé aucune formation préalable.
[185] La sanction doit permettre d’atteindre les objectifs de protection du public, puis elle doit dissuader le titulaire de licence de récidiver et servir d’exemplarité à l’égard des autres titulaires qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables.
[186] Est-ce à dire que la Régie est limitée à la protection du public sans se soucier de celle des employés des titulaires de licence?
[187] La CSST est l’acteur de premier plan en ce qui concerne la protection des employés. Elle doit veiller à éliminer à la source même les dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs et voir à la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qui en découlent pour les travailleurs ainsi que la perception, auprès des employeurs, des sommes nécessaires pour financer le régime.
[188] C’est à la Régie cependant que le législateur a confié la mission de s’assurer que les titulaires de licence conduisent leurs affaires notamment dans le respect des normes de sécurité sans égard à la qualité intrinsèque de l’individu.
[189] Adopter la proposition du procureur de l’entrepreneur à l’effet que seule la CSST est compétente pour sanctionner une entreprise qui contrevient à la LSST, ne tient pas. Ainsi, les entreprises délinquantes pourraient malgré tout conserver leur licence d’entrepreneur de construction et l’article 70 (1°) de la Loi, n’aurait aucune raison d’être.
[190] Fournier inc. échoue sur tous les plans en matière de sécurité. Le public n’est pas plus en sécurité que les employés.
[191] Monsieur Dubois, monsieur Barcena et monsieur Zarmoune s’entendent pour dire que les travaux en matière d’excavation comportent des risques élevés et que toutes les mesures de sécurité doivent être respectées.
[192] Fournier inc. n’a pas formé adéquatement ses employés avant l’accident mortel et ne l’a pas fait par la suite. Elle ne s’est donc pas assurée de « façon attentive et constante que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires ».
[193] L’attitude du dirigeant et répondant se reflète dans les actions de ses employés.
La licence d’entrepreneur de construction est donc révoquée par la régisseure Me Séguin.
En 2006-2007, S. Fournier Excavation avait déjà fait l’objet d’une poursuite antérieurement. Il avait été acquitté pour plusieurs raisons, dont le doute raisonnable4.
L’accusation précisait alors qu’il avait, « en tant qu’employeur sur un chantier de construction, contrevenu à l’article 3.15.3 (1) du Code de sécurité pour les travaux de construction, les parois d’une tranchée n’étant pas étançonnées avec des matériaux de qualité, conformément aux plans et devis d’un ingénieur ».
Le débat avait tourné aussi « autour de la profondeur de la tranchée ».
En effet, lorsque les parois de la tranchée ou de l’excavation ne présentent pas de danger de glissement de terrain et que leur pente est inférieure à 45° à partir de moins de 1,2 m du fond, aucun étançonnement n’est exigé, comme le stipule l’article 3.15.3 du Code de sécurité pour les travaux de construction.
En 2006, lors de sa visite, l’inspecteur de la CSST avait constaté la présence d’un travailleur dans le trou. Il lui avait ordonné d’en sortir, mais les travaux s’étaient poursuivis pendant qu’il allait chercher son appareil à mesurer dans son véhicule. L’excavatrice avait continué de creuser. La preuve n’était pas concluante, quant à la profondeur du trou au moment de la première constatation de l’inspecteur, le doute raisonnable avait alors favorisé l’entreprise.
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1 2015 CanLII 20783 (QC RBQ)
2 Voir sur lapresse.ca l’article de Christiane Desjardins
3 Idem à 1
4 Commission de la santé et de la sécurité du travail c. S. Fournier Excavation inc., 2007 QCCQ 5799