En matière de prévention, la « non-conscience » peut se définir comme étant l’absence de représentation des risques que l’on prend pour effectuer une tâche. Autrement dit, ne pas avoir peur du danger au moment d’agir. Pourquoi donc une partie considérable des gens subissant un accident du travail n’ont-ils pas eu peur du danger au moment d’agir?
Peut-être qu’ils n’ont pas eu peur du danger parce qu’ils ne le connaissaient tout simplement pas, comme un enfant en bas âge qui ne sait pas encore que le feu peut brûler. Mais il reste que la majorité des accidentés du travail ont justement une connaissance des risques. Alors pourquoi n’ont-ils pas peur de ces derniers? La prise de conscience du risque par un individu est une des étapes préalables à l’adoption de comportements sécuritaires. Elle représente un aspect important que tout bon préventionniste doit considérer lorsqu’il aborde la notion de risque avec les employés. Un aspect qui peut d’ailleurs contribuer à l’amélioration de nos systèmes de gestion de la prévention.
Chacun a sa façon de voir les choses quand on parle de risque. Par exemple, certains opérateurs de chariot élévateur, dans certaines entreprises, se considérant comme d’excellents chauffeurs, acceptent l’existence du risque d’accident tout en ne se sentant pas concernés. Selon eux, leurs réflexes sont tellement bien aiguisés (de vrais pilotes de formule 1) qu’ils peuvent éviter n’importe quel accident. À l’opposé, on retrouve des travailleurs qui ne prendront aucun risque; ces derniers ne vont pas à l’encontre des règles. Pour la majorité des gens, cependant, la perception du risque est centrée sur la crainte d’être blessé. Donc, règle générale, pour qu’une personne agisse en présence d’un risque, elle doit le percevoir, le considérer et connaître les conséquences pour elle-même!
Mais ce n’est pas tout, vos employés doivent savoir qu’il existe des possibilités de se protéger, ils doivent aussi connaître les techniques de protection appropriées. De plus, il faut qu’ils estiment que ces techniques de protection sont accessibles et efficaces. Encore, et surtout, ils doivent avoir la certitude qu’un évènement grave peut se produire et qu’il peut avoir un impact sur leur intégrité physique et peut-être même psychologique. Cela vaut autant pour vos plus employés expérimentés que pour les nouveaux que vous accueillez.
Malheureusement, l’expérience ne nous place pas à l’abri du phénomène de la « non-conscience » du risque. Voici un bon exemple : dans un atelier de machinage, au lieu de mettre leurs lunettes de protection en tout temps, les machinistes vont évaluer le risque et, selon le cas, les mettre ou pas. Les copeaux projetés lors de l’usinage de métaux à grande vitesse sont chauds. Certains machinistes vont alors porter leurs lunettes selon la température des copeaux. Comme l’acier et la fonte sont des matériaux qui produisent des copeaux très chauds, ils vont alors porter leurs lunettes. Pour l’aluminium, qui produit des copeaux beaucoup moins chauds, ils vont laisser leurs lunettes dans l’étui. Or, le risque de blessure aux yeux est le même dans tous les cas…
Même confrontés à des situations jugées dangereuses, les travailleurs expérimentés, parce qu’ils ont confiance en leur expérience et à leurs compétences professionnelles, peuvent être convaincus qu’ils ne prennent aucun risque, ils perdent ainsi la conscience du risque. Notre exemple de l’atelier de machinage est probant, imaginez ce qui peut se passer dans tous les milieux de travail, dont le vôtre…
Il est reconnu qu’un groupe homogène d’individus peut percevoir le risque comme un seul individu. À l’opposé, ce même groupe peut démontrer de l’inconscience vis-à-vis un risque. Par exemple : un travailleur de la construction, nouvellement arrivé dans son premier milieu de travail, ressent un fort besoin de s’identifier aux membres de son équipe de travail et d’être accepté par eux. Or, l’attitude dominante des autres membres envers le risque est axée sur la bravade. Cette personne aura donc tendance à adopter une attitude entraînant des risques, sorte de déni du risque. Et, plus les membres du groupe sont unis, plus l’influence est forte. Encore ici, un gestionnaire de la prévention bien avisé doit agir en conséquence. Il doit conscientiser son groupe relativement à cette problématique.
Dans la formation Comité SST : communiquer et encourager le passage à l’action en SST, vous verrez que les considérations personnelles, intervenant directement dans la manière dont chaque travailleur met en jeu sa propre sécurité, représentent un élément important dont il faut absolument tenir compte pour construire de bonnes communications. Les exemples de considérations personnelles abordées dans ce texte, même si on les retrouve fréquemment dans les entreprises, ne représentent évidemment pas l’ensemble des situations. Comme pour tout ce qui relève de l’élément humain en santé et sécurité du travail, il est difficile de trouver LA recette miracle permettant d’atténuer au minimum ces considérations qui mènent aux accidents. Il faut être conscient qu’il y a autant de considérations personnelles que de milieux de travail, de groupes d’individus et d’individus. Connaissez-vous les vôtres?