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Réclamations et suivi d'accidents

L’affaire Caron, la LATMP et l’obligation d’accommodement raisonnable, qu’en est-il?
Publié le: 07/12/2018

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Par Thérèse Bergeron

En novembre, le Centre patronal SST – Formation et expertise a organisé une rencontre médicolégale portant sur les suites du jugement de la Cour suprême relativement à l’affaire Caron. Voici un résumé de l’impact de cette décision pour les employeurs qui a été présenté par Me Sébastien Parent, LL. M., chargé de cours à Polytechnique Montréal, doctorant à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et chercheur au CRIMT.

Dans un premier temps, pour les faits relativement à cette affaire, nous vous invitons à consulter le Convergence SST de décembre 20181. Pour Me Parent, la question en litige dans cet arrêt de la Cour suprême est : « Est-ce que la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et le Tribunal administratif du travail (TAT) doivent tenir compte de l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’accommodement raisonnable à l’égard d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle avec des limitations fonctionnelles permanentes lorsqu’ils décident si un retour au travail est possible en vertu de ce régime, et selon quelles modalités? »

Pour la Cour suprême, l’obligation d’accommodement est un principe central et transcendant en matière de droits de la personne et en droit du travail. Et les lois doivent être interprétées conformément aux principes de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Les mesures prévues dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) n’empêchent pas l’application de mesures d’accommodement plus larges découlant de la Charte. Les objectifs de celle-ci sont compatibles avec ceux de la LATMP. Il faut faciliter le retour au travail du travailleur invalide; empêcher qu’il soit traité injustement ou de façon discriminatoire. Toujours selon cet arrêt, les dispositions de la LATMP doivent être interprétées et mises en œuvre conformément à l’obligation d’accommodement raisonnable de l’employeur.

Afin de tenir compte des limitations fonctionnelles permanentes du travailleur, les mesures d’accommodement peuvent être notamment des changements au poste de travail, le retrait de certaines tâches, des modifications à l’horaire de travail, le travail à temps partiel, etc. Il faut garder à l’esprit que la démarche est individualisée et qu’elle tient compte du statut du travailleur au moment des événements.

Me Parent précise que lorsqu’un agent de la CNESST vérifie les possibilités de réintégration du travailleur dans son emploi ou un emploi convenable2, l’employeur ne peut pas rester passif. Il doit faire des efforts sérieux et prendre des mesures d’accommodement raisonnable pour faciliter le retour au travail sans qu’il en résulte une contrainte excessive3.

Les mesures d’accommodement proposées, ajoute-t-il, doivent être respectueuses du cadre législatif en place. Il n’y a pas d’intégration de l’obligation d’accommodement intégralement dans le régime public. Ce sont plutôt les dispositions de la LATMP qui doivent être appliquées à la lumière de l’obligation d’accommodement de l’employeur. Celui-ci doit désormais regarder plus largement ce qui pourrait être fait dans l’entreprise.

L’employeur doit être transparent. Le syndicat comme l’employé doivent également participer à la démarche. L’obligation d’accommodement est donc tripartite. Tout le monde doit mettre la main à la pâte et collaborer. Cependant, l’employeur n’a pas à créer de toute pièce un emploi pour la personne. La solution parfaite n’existe pas! Le travailleur a l’obligation corollaire d’accepter l’accommodement proposé lorsque celui-ci est raisonnable.

À noter que le refus de l’employeur de permettre le retour au travail pourrait constituer une mesure de représailles. Le travailleur pourrait alors prendre un recours en vertu de l’article 32 de la LATMP.

En ce qui a trait aux délais de retour au travail de l’article 240 de la LATMP, la Cour suprême a tranché que c’est la CNESST et le TAT qui détermineront comment ils s’appliqueront. Chaque cas pourra faire l’objet d’une analyse. Notons que jusqu’à maintenant le délai pour les entreprises comptant 20 travailleurs et moins était d’une année. Et le délai pour les entreprises qui engagent plus de 20 travailleurs était de deux ans.

Attention, pour mettre fin à un lien d’emploi, l’employeur doit, plus que jamais, établir une cause juste et suffisante de congédiement.

Nous vous invitons à surveiller notre Convergence SST d’avril 2019 pour un article plus exhaustif, qui sera rédigé par Me Parent, sur les impacts de l’affaire Caron en général et, plus particulièrement, sur les entreprises de compétence fédérale.


  1. Voir vol. 34, no 3, décembre 2018, pages 4-6, www.centrepatronalsst.qc.ca, blogue, Convergence SST.
  2. Idem à 1, voir définition de l’emploi convenable.
  3. Idem à 1, voir définition de contrainte excessive.

 

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