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Réclamations et suivi d'accidents

La protection personnelle : une décision importante a été rendue
Publié le: 05/04/2017

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Vous connaissez la protection personnelle, mais connaissez-vous les règles d’imputation lorsqu’une réclamation est faite par une personne ayant souscrit une protection personnelle? Une décision intéressante pour les employeurs a été rendue en décembre 2016.

Voici quelques questions en lien avec la protection personnelle. Vrai ou Faux?

Question 1

En tant que propriétaire unique de votre entreprise vous pouvez souscrire une protection personnelle pour vous protéger en cas d’accident.

VRAI. Le propriétaire unique d’une entreprise peut être protégé par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) (il est considéré comme l’employeur). C’est l’article 18, 1er alinéa, de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) qui le prévoit.

Art. 18, 1er alinéa. Le travailleur autonome, le domestique, la ressource de type familial, la ressource intermédiaire, l’employeur, le dirigeant ou le membre du conseil d’administration d’une personne morale peut s’inscrire à la Commission pour bénéficier de la protection accordée par la présente loi.

Comme l’indique cet article, d’autres personnes, comme les dirigeants1, peuvent profiter de la protection personnelle.

Question 2

Si vous présentez une réclamation à la CNESST, pour une lésion professionnelle, les prestations versées pour cet événement seront imputées à votre dossier d’employeur.

FAUX. Seules les prestations versées pour une lésion professionnelle survenant à un travailleur peuvent être imputées à un employeur (art. 326, 1er alinéa, LATMP).

Question 3

Wow, ma réclamation n’aura pas d’impact sur ma cotisation!

FAUX. La CNESST va quand même utiliser ces prestations (sans les imputer) afin de calculer votre cotisation.

Question 4

Au moins, si je demande un partage de coûts pour ce dossier, je réduirai cet impact.

FAUX, mais cela pourrait changer à la suite d’une décision rendue en décembre 2016.

L’affaire Toiture St-Damase2

Dans cette affaire, Mme Lessard souscrit, depuis plusieurs années, une protection personnelle à titre de dirigeante de l’entreprise. En décembre 2009, elle subit un accident du travail (entorse au genou gauche). Sa réclamation est acceptée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST)3.

En février 2011, la lésion de Mme a été consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

En cours de consolidation, Mme Lessard est opérée au genou gauche pour une condition personnelle. L’employeur présente donc une demande de partage de coûts alléguant que les prestations reliées à la maladie intercurrente de Mme Lessard ne devraient pas lui être imputées en vertu de l’article 326, 2alinéa de la LATMP. Une deuxième demande de partage est présentée au motif que Mme Lessard était porteuse d’une condition personnelle préexistante (article 329, LATMP) au genou gauche, soit une condition d’arthrose.

Les deux demandes ont été rejetées par la Commission pour le motif suivant. La loi permet d’imputer à l’employeur les prestations reliées à une lésion professionnelle survenant à un travailleur (art. 326, 1er alinéa). Mme Lessard n’étant pas un travailleur, les prestations ne peuvent pas être imputées à l’employeur. Et puisque les coûts ne sont pas imputés, les demandes de partage de coûts sont sans fondement.

Prestations pas imputées, mais quand même utilisées

Cette décision ne satisfait pas l’employeur, car, malgré que les prestations ne soient pas officiellement imputées à son dossier, elles sont quand même utilisées pour établir son expérience afin de calculer son taux personnalisé, en vertu de l’article 44 du Règlement sur le financement. Finalement, les prestations ne sont pas imputées, mais elles sont quand même utilisées dans la tarification de l’employeur avec les impacts financiers qu’on imagine!

Dans sa contestation, l’employeur demande donc au tribunal deux choses :

  1. de déclarer inopérant l’article 44 du Règlement sur le financement, puisqu’il va à l’encontre de la LATMP et, ainsi, de déclarer que les prestations de la lésion de Mme Lessard ne doivent pas être utilisées dans la détermination de son expérience ou
  2. s’il déclare que l’article 44 est valide, de se prononcer sur les demandes de partage de coûts, puisque si la Commission peut considérer les prestations de la lésion de Mme Lessard dans l’expérience de l’employeur. Elle doit aussi, en toute équité, appliquer l’ensemble des règles d’imputation.

Qu’en pense le tribunal?

Premièrement, le juge administratif Watkins constate que l’article 44 est valide. Cependant, il constate aussi que, compte tenu du libellé de l’article 44, la Commission doit se prononcer sur les demandes de partage de coûts.

[97]        Pour le Tribunal, le libellé de l’article 44 du Règlement sur le financement qu’utilise la Commission pour justifier l’utilisation des coûts reliés à la lésion de madame Lessard dans le calcul de l’expérience de l’employeur, aux fins de déterminer son taux personnalisé et sa cotisation, stipule qu’elle le fait en « faisant les adaptations nécessaires ».

[98]        De l’avis du soussigné, cette expression signifie en l’espèce que la Commission doit traiter le dossier d’imputation de l’employeur, pour lequel la Commission, aux fins de l’article 44 du Règlement assimile le statut de madame Lessard à celui des autres travailleurs, de la même façon que tout autre dossier d’imputation de l’employeur puisque la Commission utilise les coûts associés à ce dossier pour les ajouter à ceux des « travailleurs », elle les « prend en compte » au sens de l’article 229 du Règlement. Elle doit donc le faire en analysant l’applicabilité des dispositions d’exception prévues aux articles 326 et 329 de la loi et visées par les demandes de l’employeur du 14 décembre 2010 et 23 mars 2012.

[99]        Pour le soussigné, rien ne s’oppose à ce que les dispositions d’exception visées aux articles 326 et suivants de la loi soient applicables à une lésion professionnelle subie par une personne bénéficiant d’une protection personnelle, bien que cette personne ne soit pas un « travailleur » au sens de ces dispositions, dès lors que la Commission, par le biais de l’article 44 du Règlement sur le financement, considère qu’elle peut utiliser les coûts associés à une telle lésion subie par une telle personne, bien que ces coûts n’aient pas été « imputés ».

[100]        Dans la mesure où la Commission fait ce choix, elle se trouve à assimiler le statut de la personne en protection personnelle à celui d’un « travailleur » au sens des dispositions des articles 326 et suivants de la loi et doit donc vérifier l’applicabilité des exceptions prévues à ces dispositions en regard de la lésion subie par la personne bénéficiant d’une protection personnelle. Le cas échéant, elle doit revoir la cotisation de l’employeur, en application de l’article 229 du Règlement, puisqu’elle « prend en compte » les coûts associés à la lésion subie par une personne en protection personnelle.

[101]        En conséquence, le Tribunal en arrive donc à la conclusion qu’il y a lieu d’accueillir l’argument subsidiaire de l’employeur et de retourner le dossier à la Commission pour qu’elle traite à leur mérite les demandes de transfert et de partage de coûts produites par l’employeur respectivement le 14 décembre 2010 et le 23 mars 2012.

Cette décision est très importante pour les employeurs qui souscrivent une protection personnelle, car elle dit que l’ensemble des règles d’imputation s’appliquent au dossier de protection personnelle, donc que les demandes de partage de coûts doivent être analysées par la CNESST.

Cette décision est d’autant plus importante que les coûts imputés dans un dossier d’expérience peuvent avoir des impacts financiers très importants. En effet, les coûts imputés influencent le montant de la cotisation de l’employeur.

La CNESST a contesté cette décision. Nous verrons bien ce qu’il en ressortira.

Pour en savoir plus sur les règles d’imputation et comment les coûts imputés influencent votre facture, nous vous invitons à assister à nos formations : Imputation des coûts, Taux personnalisé et Régime rétrospectif.


  1. LATMP, art. 2 : « dirigeant » : un membre du conseil d’administration d’une personne morale qui exerce également les fonctions de président, de vice-président, de secrétaire ou de trésorier de cette personne morale; […]
  2. Toiture St-Damase et Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 5 décembre 2016, Michel Watkins, juge administratif.
  3. La CSST a été remplacée, en 2016, par Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST).

 

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