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Réclamations et suivi d'accidents

Le dossier refusé par la CNESST, faut-il le gérer?
Publié le: 03/05/2017

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Par Me Chantale Lavoie

Vous avez probablement déjà été confronté à un dossier refusé par la CNESST. Le travailleur a-t-il contesté ce refus devant les différentes instances administratives? Étiez-vous bien armé pour faire face à cette situation?

La réclamation d’un travailleur a été refusée par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Certains gestionnaires pourraient commettre l’erreur de ne pas poursuivre la gestion de ce dossier. Après tout, elle a été refusée, se diront-ils. C’est une erreur de penser que votre travail s’arrête là. Mais plusieurs d’entre vous se demanderont : Oui, mais que dois-je faire et comment? Cet article vous propose quelques pistes de réflexion et des mesures à mettre en place en de pareilles circonstances.

Tout d’abord, il faut garder à l’idée qu’un dossier refusé par la CNESST doit parfois être géré comme s’il avait été accepté. Il n’est pas rare qu’un travailleur conteste le refus de sa réclamation jusqu’au Tribunal administratif du travail (TAT).

Souvent, l’audience aura lieu un an à un an et demi plus tard, il sera difficile, parfois, de retrouver des témoins, de faire appel à leurs souvenirs et d’obtenir des déclarations touchant l’événement. Au TAT, l’audience est de novo, c’est-à-dire : on recommence depuis le début. Donc, chaque partie a sa preuve à faire. Si vous n’êtes pas prêt et que vous n’avez pas constitué un dossier complet, vous pourriez vous faire jouer le tour de voir le dossier accepté en faveur du travailleur avec tous les coûts de la réclamation rétroactifs depuis le début!

Prenons l’exemple d’un cas qui pourrait très bien survenir dans votre organisation. Il s’agit d’un travailleur qui glisse dans le stationnement de son employeur, sur l’heure du midi, en allant chercher sa boîte à lunch laissée dans sa voiture le matin. Il se blesse au dos. Il consulte un médecin. Ce dernier émet un diagnostic d’entorse lombaire et le place en arrêt complet de travail. La CNESST refuse la réclamation au motif qu’il ne s’agit pas d’un accident survenu à l’occasion du travail et le travailleur conteste ce refus jusqu’au TAT.

Le suivi d’un dossier débute dès la survenance de l’événement

Si le dossier a été refusé, c’est que vous avez probablement bien fait vos devoirs. Vous avez, bien sûr, pensé à constituer un bon historique des faits entourant l’événement en questionnant le travailleur et les témoins. Parfois, une déclaration écrite des témoins peut également s’avérer utile. Vous avez aussi rempli le registre des accidents ainsi que rédigé un bon rapport d’enquête et d’analyse d’accident, et vous avez en mains les feuilles de temps.

Si vous avez accès au guichet santé-sécurité de la CNESST, il serait bon de le consulter, car il pourrait révéler quelques renseignements pertinents, comme certains antécédents survenus dans le passé et, parfois, au même siège de lésion.

Il y a aussi la consultation auprès de votre médecin désigné1 qui peut s’avérer très utile pour vous orienter du point de vue médical. Il peut vous donner son avis sur la relation causale entre la blessure et l’événement.

L’évaluation médicale

Revenons maintenant à notre cas pratique. L’expertise médicale, peut-on en faire la demande même si le dossier a été refusé? Et quand est-ce possible? N’oubliez pas que le travailleur peut continuer de consulter son médecin traitant, et ce, même si son dossier a été refusé. Il se peut que le médecin continue de produire des rapports d’évolution de la CNESST, car il croit, tout comme le travailleur, qu’il s’agit d’un accident de travail au sens de la loi. Lors de sa dernière consultation, le médecin a émis, cette fois, un diagnostic de hernie discale et a prescrit des traitements de physiothérapie, ainsi que des injections de cortisone. Il poursuit l’arrêt de travail qui persiste depuis quatre mois maintenant. Comme la réclamation est refusée, le travailleur assume lui-même les frais de ces traitements. Vous avez maintenant un bon motif pour aller en expertise. En effet, il se peut que vous vouliez tout simplement statuer sur l’état de santé du travailleur, confirmer ou infirmer le diagnostic émis par le médecin traitant, de même que pour les soins, les traitements et la consolidation (guérison).

Mais pouvez-vous forcer le travailleur à rencontrer votre médecin expert? La réponse est non dans le contexte d’un dossier refusé seulement. Mais vous avez besoin de sa collaboration et c’est pour cette raison, entre autres, que nous vous suggérons de garder contact avec le travailleur durant son invalidité. Cela facilitera aussi la gestion du dossier et les contacts avec le travailleur. Et cela pourra favoriser un retour au travail plus rapide, en évitant la chronicisation de la lésion.

Est-ce possible de faire une demande au Bureau d’évaluation médicale (BEM) à ce stade du dossier? Effectivement, si on obtient un rapport médical d’évolution du médecin traitant et une expertise médicale de notre expert qui infirme les conclusions du médecin du travailleur. On peut vouloir statuer sur le diagnostic et les traitements, à savoir s’ils sont adéquats, la date de consolidation de la blessure, si le travailleur conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles2.

Le but de ce texte est de vous rappeler l’importance de ne jamais négliger le suivi de votre dossier et de procéder à quelques vérifications, même si, dès le départ, la réclamation de l’employé a été refusée.

Souvenez-vous que la mémoire est une faculté qui oublie. Il y a de fortes chances que le travailleur conteste ce refus jusqu’au TAT. Il faut donc être prêt!

Si votre dossier est bien préparé, vous avez des chances que votre position soit considérée par le juge administratif du TAT. N’oubliez pas : nous sommes rarement meilleurs que notre dossier! Une bonne cueillette des données est une activité essentielle de gestion qu’il ne faut jamais négliger.

Pour en savoir plus…

Pour en apprendre davantage sur ces notions, nous vous invitons à suivre les cours suivants : Procédures de réclamations, Suivi des cas de lésions professionnelles, Opposition à l’admissibilité et Comprendre et gérer le volet médical en SST.

 


  1. Prévu à l’article 38 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. 1985.
  2. Prévu à l’article 221 de la LATMP.

 

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