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Réclamations et suivi d'accidents

Question de crédibilité!
Publié le: 01/10/2014

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La travailleuse, une caissière dans une quincaillerie, allègue avoir subi une lésion professionnelle. Elle se serait blessée au dos en déplaçant une boîte de produits. Genre de réclamation fréquemment acceptée par la CSST et maintenue par la Commission des lésions professionnelles (CLP), mais pas cette fois-ci! Les contradictions dans les déclarations de la travailleuse ont, en effet, miné sa crédibilité1. Voici le résumé de ce récent jugement.

Mais d’abord, un bref rappel…

Lorsqu’un travailleur prétend subir une lésion professionnelle, le premier réflexe d’un gestionnaire de dossier est évidemment de vérifier l’application de la présomption. Dans la présente affaire, la travailleuse prétend avoir subi un accident du travail (art. 2, LATMP). C’est donc la présomption de l’article 28, de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), qui fera l’objet d’une analyse par le tribunal.

Il existe 3 conditions pour satisfaire la présomption selon cet article, soit :

  • avoir subi une blessure
  • qu’elle soit arrivée sur le lieu du travail
  • alors que le travailleur était à son travail

Si toutes ces conditions sont présentes, le travailleur est présumé avoir subi une lésion professionnelle. Dès lors, il n’a plus à prouver ni la survenance d’un « événement imprévu et soudain », ni la relation causale entre cet événement et la lésion (art. 2, LATMP).

Contradictions et incohérences…

D’entrée de jeu, le tribunal a rappelé qu’il fallait se référer aux principes établis par les 3 juges administratifs dans la célèbre cause Boies et CSSS Québec-Nord2. Il en ressort notamment que, dans l’analyse de la notion de « blessure », celle-ci doit apparaître de façon relativement instantanée. Or, fait remarquer la CLP, la « blessure » qualifiée d’entorse (alléguée par la travailleuse) n’est pas apparue de façon instantanée et sans délai de latence. La CLP a aussi soulevé plusieurs contradictions dans les différentes déclarations de la travailleuse.

Entre autres, sur le formulaire « Réclamation du travailleur », la travailleuse a allégué avoir subi son accident le 28 mai 2013. Première contradiction car, dans un des rapports internes de l’employeur, elle aurait mentionné une date différente, soit le 29 mai. De plus, elle n’a déclaré son accident à son employeur que le 1er juin. Et ce n’est que le 21 juin qu’elle aurait consulté un médecin pour obtenir un diagnostic de blessure.

Ce n’est pas tout : il y avait également des incohérences quant aux circonstances de son accident. À l’audience, la travailleuse a témoigné que les boîtes qu’elle a déplacées contenaient des bouteilles de lave-glace. Pourtant, lors de l’enquête menée par l’employeur, elle avait déclaré que c’était en déplaçant des boîtes de sacs pour feuilles mortes. Cette version, différente de celle livrée à l’audience, fut confirmée par la directrice des ressources humaines de l’employeur, appelée à témoigner. Cette dernière a de plus démontré, qu’à la période où l’événement est survenu, les présentoirs devant les caisses enregistreuses (où se trouvaient les boîtes désignées par la travailleuse) n’affichaient pas du lave-glace pour les voitures, mais plutôt des items pour la préparation des terrains, soit des sacs pour les feuilles mortes. Et ces boîtes n’étaient pas pesantes.

Par ailleurs, l’employeur a aussi mis en preuve que la travailleuse a souffert dans le passé de sérieux problèmes lombaires.

Déclaration tardive, antécédent et, surtout, contradictions dans les déclarations : rien pour convaincre le tribunal que ladite « blessure » était « survenue par le fait du travail », alors que la travailleuse était « à son travail » (art. 28, LATMP).

Outre ces conclusions, la CLP a soulevé que rien dans le dossier de la travailleuse ou dans son témoignage ne permettait de conclure à la survenance d’un « événement imprévu et soudain » ou à une relation causale entre cet événement et la lésion alléguée.

La Commission des lésions professionnelles a donc rejeté la requête en contestation de la travailleuse relativement à la décision de la CSST, qui avait refusé sa réclamation.

En fait, grâce à une excellente analyse du dossier, la représentante de l’employeur a su faire renverser la présomption de l’article 28 de la LATMP, en démontrant que le témoignage de la travailleuse manquait de crédibilité.

La travailleuse avait alors le fardeau de démontrer qu’elle avait réellement été victime d’un « événement imprévu et soudain », « par le fait ou à l’occasion du travail » (art. 2, LATMP). Ce qu’elle n’a pas réussi à démontrer.

La question de crédibilité…

Plusieurs facteurs doivent être pris en compte pour juger de la crédibilité d’un témoin, tel que le rappelait la CLP dans l’affaire Groupe Simoneau inc. et Lefebvre3. Une cause qui fut d’ailleurs citée dans la présente affaire :

« Bien qu’un témoignage s’apprécie dans sa globalité, le tribunal doit prendre en compte dans son analyse de la crédibilité d’un témoin, la précision dans son récit des faits, la vraisemblance des faits rapportés, la cohérence et la constance dans ses déclarations. Des contradictions prises isolément peuvent paraître peu ou sans importance. Toutefois, lorsqu’elles sont évaluées globalement et en fonction de l’ensemble de la preuve, ces contradictions peuvent affecter irrémédiablement la crédibilité d’un témoin. »

 


  1. 2014 QCCLP 1506 (CanLII).
  2. 2011 QCCLP 2775 (CanLII), 2011 QCCLP 2775.
  3. Groupe Simoneau inc. et Lefebvre, 2011 QCCLP 2333 (CanLII), 2011 QCCLP 2333.
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