Selon la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, l’accident du travail c’est : « un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l’occasion du travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle » (art. 2). Afin de faciliter la preuve de l’existence d’une lésion et de dispenser le travailleur de démontrer la survenance d’un accident, l’article 28 introduit une présomption.
La présomption de l’article 28 de la LATMP se définit comme suit :
Une blessure qui arrive sur les lieux du travail, alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
L’application de la présomption permet de conclure qu’il y a un lien causal entre la blessure et le travail et, de ce fait, dispense le travailleur d’en faire la preuve. Cependant, 3 conditions essentielles doivent exister de façon prépondérante, en même temps, pour donner ouverture à la présomption.
Une fois les éléments de la présomption établis, le travailleur est dispensé de faire la preuve d’un événement imprévu et soudain, donc des éléments de la définition de l’accident du travail, au sens de l’article 2 de la LATMP.
Une fois que les 3 conditions de la présomption sont réunies, le travailleur n’a aucune autre preuve à apporter. La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) présumera l’existence de la lésion et de la relation de cette lésion avec l’événement survenu au travail.
Toutefois, l’employeur peut faire la démonstration, par l’entremise d’une preuve prépondérante, qu’il ne s’agit pas, dans les faits, d’une lésion professionnelle.
Voici les contours balisant le renversement de cette présomption1.
Seuls 3 motifs sont désormais admissibles à titre de preuve, permettant le renversement de la présomption édictée à l’article 28 de la loi :
Lorsqu’une des conditions d’application de la présomption de l’article 28 de la LATMP est absente, la présomption de lésion professionnelle ne s’applique pas. Le travailleur doit alors démontrer, par une preuve prépondérante, ce qui suit :
L’importance de décrire les faits à la CSST
Soulignez, à l’aide de faits, votre désaccord à la CSST au verso de l’ADR (Avis de l’employeur et demande de remboursement) ou sur une lettre annexée. Par exemple, que c’est la manifestation d’une condition personnelle qui a occasionné une blessure au travail (c’est l’état d’anémie du travailleur qui a causé une chute et une blessure à la tête).
Mentionnez que la présomption ne s’applique pas si, par exemple, vous avez un diagnostic de maladie, qu’il ne s’agit pas d’un accident du travail (exemple : il n’y a eu aucun événement imprévu et soudain ayant causé la lésion) ou qu’il n’y a pas de relation avec l’organisation du travail (mais qu’il s’agit plutôt d’une simple manifestation d’une condition personnelle au travail), donc qu’il ne s’agit pas d’une lésion professionnelle.
Voici quelques manifestations possibles de conditions personnelles :
Si, malgré vos commentaires, la CSST accepte la manifestation d’une condition personnelle sous l’angle d’accident du travail, contestez-la auprès de la Commission des lésions professionnelles (CLP).
Selon sa politique 1.02, p 62, la CSST reconnaît une condition personnelle sous l’angle d’accident du travail. Voici l’exemple qu’elle décrit : un travailleur subit une crise d’épilepsie alors qu’il effectue son travail et perd connaissance. En tombant, il se fracture la cheville. La chute du travailleur constitue un événement imprévu et soudain qui peut être attribuable à toute cause. Peu importe que la cause de sa chute soit son évanouissement pendant la crise d’épilepsie, la fracture de la cheville peut constituer une lésion professionnelle.
Or la majorité des décisions de la CLP ne soutiennent pas cet exemple.
À titre d’exemple, dans l’affaire Brunet (Succession de) et Rgis Canada (u.l.c., 2013 QCCLP 774), il a été dit que :
[20] Il ressort donc de cette jurisprudence que le premier courant ne reconnaît pas l’accident du travail car il ne s’agit que de la manifestation d’une condition personnelle et qu’il n’existe aucun lien entre la pathologie et le travail effectué, que l’évanouissement soit considéré comme un événement imprévu et soudain ou non [...]
[21] À la lumière de l’ensemble de cette jurisprudence, le tribunal conclut que la syncope brutale subie par le travailleur la journée du 18 juin 2011 est une condition personnelle qui s’est manifestée sur les lieux du travail alors qu’elle aurait pu se produire n’importe où ailleurs, ce qui peut se traduire par une pure coïncidence. La simple manifestation d’une condition personnelle sur les lieux du travail ne peut constituer un événement imprévu et soudain au sens de la loi et ne peut générer une lésion professionnelle […]
[22] À cette approche s’oppose le deuxième courant jurisprudentiel qui base son argumentaire sur un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, qu’elle soit ou non reliée au travail, telle une syncope; cette prise de position n’est peut-être pas dénuée de fondement juridique, mais elle ne semble pas respecter l’esprit de la loi et l’intention du législateur. À cet effet, l’objet de la loi est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elle entraîne pour les bénéficiaires; il est donc permis de s’interroger pourquoi un travailleur aurait droit à être compensé pour la manifestation d’une condition personnelle qui n’a aucune relation possible avec son travail, mais qui, par hasard, se manifeste sur les lieux du travail, que ce soit sur le plan légal ou sur une question d’équité.
[23] En résumé, l’incident malheureux qui s’est produit le 18 juin 2011 ne peut s’inscrire dans le cadre d’un accident du travail.
Aussi, dans l’affaire CHSLD Villa Soleil et Lauzon (2014 QCCLP 3341), il a été stipulé que :
Bien que la définition d’« accident du travail » prévoie qu’un événement imprévu et soudain peut être « attribuable à toute cause », le législateur ajoute que cet événement doit être survenu « par le fait ou à l’occasion du travail »; un travailleur ne saurait donc être indemnisé pour la manifestation d’une condition personnelle qui n’a aucune relation avec son travail. (Nos gras)
Voir également Compagnie A et M.L. (2014 QCCLP 5912) :
Le travailleur, qui a chuté à deux reprises, n’a pas subi de lésion professionnelle; il s’agit plutôt de la manifestation d’une condition personnelle au travail puisqu’une perte d’équilibre ou le fait de trébucher sans en connaître les raisons découlaient du traitement de méthadone qui lui était administré. (Nos gras)
Advenant que la CLP ne vous donnerait pas gain de cause, demandez alors un transfert de coûts sur la notion « d’obéré injustement », en vertu de l’article 326 (2) de la LATMP. Mais, attention, vous devez faire la demande dans l’année suivant la date de l’accident.
Exemple :
La lésion professionnelle subie par la travailleuse, une commis à la charcuterie dans un magasin d’alimentation, lorsqu’elle a perdu connaissance à la suite d’une crise d’épilepsie ne constitue pas un risque relié à l’activité de l’employeur, et il serait injuste d’en imputer les coûts à ce dernier. (Voir Alimentation Famille Martin inc., 2014 QCCLP 1138). (Nos gras)
En résumé, la CLP estime qu’une condition personnelle, comme une perte de connaissance ou une syncope dont la cause peut ou non être identifiée, même si elle se manifeste au travail, ne peut être indemnisable en vertu du régime géré par la CSST. Il en va de même pour les conséquences qu’entraîne cette condition personnelle. En fait, s’il devait y avoir une indemnisation, ce serait en vertu d’un régime d’assurance privée auquel l’assuré aurait préalablement souscrit. Celui-ci l’indemniserait contre les pertes dues en raison d’une invalidité ou d’une incapacité de travail liée à une maladie d’origine personnelle3.
Mise en garde : une condition personnelle préexistante aggravée par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail, ou reliée aux risques particuliers de son travail, sera considérée comme une lésion professionnelle.
1 Boies et CSSS Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775, CanLII.
2 http://www.csst.qc.ca/lois_reglements_normes_politiques/recueil_politiques/
Documents/Admissibilite/1_02_admissibilite.pdf
3 CHSLD Villa Soleil et Lauzon, 2014 QCCLP 3341, CanLII.