Identifier les facteurs de risques externes de violence

Par Caroline Huot, D.C.

Printemps 2024 (vol. 40, no 1)

La Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail reconnaît maintenant les facteurs de risques psychosociaux qui, selon la CNESST, incluent la violence. Celle-ci revêt différentes formes : la violence physique ou psychologique, de même que la violence conjugale, familiale ou à caractère sexuel. 


En contexte du travail, la violence peut être « interne » ou « externe ». Lorsqu’elle survient entre les membres de l’entreprise, peu importe le niveau hiérarchique, elle est considérée comme interne. La violence externe, quant à elle, se manifeste entre les travailleurs et les clients, les usagers, les patients, les fournisseurs, etc. 


Le rapport de la CNESST sur les lésions attribuables à la violence en milieu de travail révèle que 51 % des violences physiques proviennent de patients, et que 23 % des violences psychologiques sont causées par des clients.



D’abord quelques exemples 


Certains facteurs organisationnels ou situations de travail peuvent favoriser la violence externe. La qualité des produits et services est un bon exemple. Sans cautionner les gestes de mécontentement inappropriés, on doit néanmoins partir du principe que si le client est insatisfait, c’est qu’il y a une raison. Comme mesure de prévention primaire, soit l’identification des dangers et risques à la source, l’INRS (France) recommande entre autres d’améliorer la qualité des produits et services. Il existe plusieurs moyens pour y arriver, notamment :


  • Prévoir un effectif suffisant pour offrir un service efficace et adéquat.

  • Disposer d’un personnel ayant les connaissances et compétences nécessaires pour offrir un service de qualité.

  • Mettre en place une procédure de gestion des plaintes permettant de clarifier les insatisfactions de la clientèle et de mieux y répondre.

  • Engager les travailleurs dans le processus d’amélioration afin que les ajustements soient réalistes et en lien avec la demande des clients. Cela favorisera aussi l’adhésion aux changements.


Dans d’autres secteurs d’activité, on observe une banalisation de la violence : elle est considérée comme étant inhérente à l’emploi ou à la « philosophie » du milieu. Par exemple, les travailleurs de la santé et des services sociaux qui œuvrent auprès de patients ayant une atteinte cognitive, qui sont intoxiqués ou qui vivent de grandes souffrances, excusent souvent la violence intentionnelle ou inconsciente, et font preuve d’empathie envers le patient. 


Dans le secteur de la construction, puisque le travail comporte des exigences physiques importantes, le fait « d’être fort » est valorisé. Les rapports de force sont utilisés dans les échanges et on observe souvent un langage cru. Par peur d’être intimidé, ridiculisé ou exclus, la violence est souvent passée sous silence. Néanmoins, celle-ci génère des effets néfastes sur la santé mentale, qu’elle soit intentionnelle ou non, et qu’elle fasse partie ou non des us et coutumes. Les mesures de prévention primaires suivantes sont proposées par le journal The Australian Health Review :


  • L’élaboration de politiques et procédures claires qui mettent en avant la tolérance zéro.
  • Une procédure de déclaration d’incident en lien avec la violence, et de suivi.
  • Des accès contrôlés pour les clients, les usagers, les patients, les fournisseurs, etc.
  • L’amélioration de la sécurité, ce qui inclut, entre autres, des équipements, des procédures et du personnel.


Comme pour tous les facteurs de risque, l’employeur a le devoir de prévenir les risques de nature psychosociale, incluant la violence. La démarche de prévention « identifier, corriger et contrôler » est commune à tous les types de dangers et de risques.



Identifier les situations à risque  


L’inspection et l’observation des tâches orientées sur la violence constituent deux des moyens d’identification. Elles permettent de mettre en lumière certains aspects des lieux, de l’environnement, du contexte ou des tâches qui exposent les employés à un risque. De la même manière, il importe que les mesures de prévention soient appliquées et efficaces.


Les rapports d’incidents violents antérieurs représentent une autre source d’informations permettant d’identifier des zones à risque. 


Les aspects du travail présentés ci-après ne s’appliquent pas à tous les milieux. Toutefois, je propose les questions et éléments suivants en guise d’inspiration pour la démarche d’identification propre à la réalité de votre entreprise.


LES LIEUX DE TRAVAIL


Réception et aire d’accueil


  • La personne à la réception peut-elle clairement voir arriver les visiteurs?
  • Y a-t-il toujours une personne à la réception?


Toilettes publiques ou privées


  • Y a-t-il des toilettes privées verrouillées pour le personnel? 
  • Les toilettes sont-elles inspectées avant la fermeture?


Aménagement des lieux de travail


Les éléments permettant à l'employé d'appeler du secours ou de se mettre en sécurité :


  • La zone de travail est-elle ouverte ou visible, et suffisamment éclairée?
  • Les accès à la zone de travail sont-ils contrôlés?
  • Les lieux où les employés sont en contact avec la clientèle (ex. : réception) sont-ils munis d’un bouton d’alarme facilement accessible? Profitent-ils d’une issue à laquelle la clientèle ne peut accéder?
  • Les objets pouvant servir de projectiles ont-ils été retirés ou placés hors d’atteinte de la clientèle? 


Voies de circulation et aires publiques pouvant comporter des risques


  • Locaux vides non verrouillés 
  • Entrées et sorties
  • Cages d’escaliers et ascenseurs
  • Cafétéria et casse-croute
  • Stationnement souterrain ou intérieur


ENVIRONNEMENT EXTÉRIEUR DES BÂTIMENTS


Emplacement


  • Le bâtiment est-il situé dans une zone isolée?
  • L’entrée est-elle bien éclairée?
  • Le bâtiment est-il partagé avec d’autres entreprises dont la présence pourrait compromettre la sécurité des travailleurs lors des entrées et sorties?
  • Le lieu de travail est-il à proximité d'immeubles ou d'entreprises à risque de crimes violents (bars, banques, etc.)?


Stationnement


  • Y a-t-il un stationnement à proximité réservé aux travailleurs seulement?
  • Y a-t-il des buissons, des zones aveugles ou d’autres cachettes?
  • Les alarmes sont-elles clairement identifiées, dégagées et facilement accessibles?


LA SÉCURITÉ


Personnel de sécurité


  • Y a-t-il un responsable de la sécurité des bâtiments et du personnel de sécurité formé pouvant intervenir? 
  • Existe-t-il un système en place, tel le « compagnonnage », pour les situations potentielles de danger?


Assistance d’urgence


  • Existe-t-il un numéro de téléphone pour les cas d’urgence?
  • Ces numéros sont-ils affichés sur les téléphones?
  • Y a-t-il une pièce sécuritaire désignée où les travailleurs peuvent se rendre en cas d’urgence? 


Procédures de sécurité 


  • Existe-t-il des procédures de sécurité pour les travailleurs sujets aux situations de violence (inspecter ou assurer l’application de la loi, manipuler de l’argent ou des objets de valeur, être en contact avec des personnes instables ou violentes, se trouver dans un endroit où l’on sert de l’alcool, être présents tard le soir ou tôt le matin, etc.)?
  • Des mesures de sécurité spéciales sont-elles prises pour protéger les personnes qui travaillent tard le soir?
  • Existe-t-il une politique d’accueil, d’accompagnement et d’identification des visiteurs? 
  • Les badges nominatifs sont-ils obligatoires pour le personnel? 


POLITIQUES, FORMATION, ORGANISATION ET PLANIFICATION DU TRAVAIL


Politiques et procédures


  • Y a-t-il une politique permettant aux travailleurs de refuser de servir des clients lorsqu’ils jugent la situation dangereuse ou risquée? 
  • Existe-t-il une procédure de signalement et de suivi des incidents violents?
  • Des procédures visant à prévenir la violence ou le harcèlement ont-elles été instaurées? Est-ce qu’elles incluent des adaptations pour les travailleurs présentant une vulnérabilité?


Formation et information


Les travailleurs sont-ils informés du risque de violence en lien avec leurs tâches, et formés :


  • Au plan d’intervention d’urgence, quant aux mesures de sécurité?
  • Pour signaler les incidents violents ou les menaces?
  • Pour prévenir ou désamorcer les situations potentiellement violentes?
  • À la sécurité personnelle et à l’autodéfense?
  • Pour repérer les situations qui peuvent dégénérer et devenir violentes?
  • Sur la façon de refuser de servir un client sans faire escalader la situation?


Travailler seul


  • Y a-t-il des zones de travail isolé? Si oui, un téléphone ou un panneau indiquant où trouver de l’aide est-il installé?
  • Y a-t-il des alarmes ou des boutons d’urgence facilement accessibles?
  • Ceux-ci fonctionnent-ils correctement?


Dotation


  • Y a-t-il suffisamment de personnel?


SITUATIONS DE TRAVAIL, TÂCHES PROFESSIONNELLES SUR LE TERRAIN (DANS LA COMMUNAUTÉ)


Équipement de travail sur le terrain


  • L’employeur fournit-il un véhicule ou un autre moyen de transport sécuritaire? 
  • Les travailleurs disposent-ils d’une radio bidirectionnelle ou d’un téléphone cellulaire?
  • Les travailleurs sont-ils équipés de dispositifs d’alarme personnels?


Précautions supplémentaires sur le terrain


  • Y a-t-il des endroits où les travailleurs peuvent se réfugier en cas d’urgence?
  • Un système d’accompagnement ou de « compagnonnage » existe-t-il? 
  • Y a-t-il toujours quelqu’un qui sait où se trouve chaque travailleur?


Lorsque l’identification des facteurs de risque est terminée, vous pouvez passer aux étapes de correction et de contrôle afin de réduire l’exposition à la violence, tout en faisant le suivi des mesures préventives, pour vous assurer de leur application et de leur efficacité.


Caroline Huot, D.C.Conseillère et formatrice en SST

Caroline Huot est membre de l’Ordre des chiropraticiens du Québec. À ce titre, elle effectue entre autres des examens cliniques et des analyses chiropratiques. En plus d’agir comme conseillère au Centre patronal SST, elle assure des charges de cours en ergonomie et en santé mentale au travail aux premier et deuxième cycles à Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.