La présence des femmes sur le marché du travail a quadruplé depuis 1950, ce qui a diminué considérablement l’écart de répartition entre les hommes et les femmes. Pourtant, il semble que l’égalité des genres en SST ne soit pas encore atteinte à plusieurs titres.
La taxe rose vis-à-vis des équipements de protection individuels (EPI) en est un exemple. Il s’agit du surprix que doivent payer les femmes par rapport aux hommes pour accéder à des produits ou à des services équivalents.
En santé et sécurité du travail, cela se traduit par une disponibilité restreinte de produits adaptés, des frais plus élevés à l’achat et, conséquemment, l’accroissement des risques de lésion professionnelle.
Le rôle des EPI
Bien que les EPI soient une protection de dernier recours, ils sont largement utilisés dans certains milieux, et représentent parfois la seule ligne de protection entre le travailleur et certains risques. Pour être efficace, un EPI doit être adapté au risque, bien ajusté, en bon état et porté de la bonne façon. De plus, il ne doit pas générer de risque additionnel.
Pourquoi les EPI devraient-ils être genrés?
Au-delà de la division des genres, la conception et la sélection des EPI doit tenir compte de la taille et des proportions de l’individu afin d’offrir confort et protection. Mais les femmes (nous faisons ici référence au genre biologique) ne sont pas une échelle réduite des hommes : elles affichent plutôt des proportions distinctes par rapport à ceux-ci. Or, les mesures anthropométriques¹ utilisées comme référence par les fabricants d’EPI peuvent être basées sur des références masculines qui ne respectent pas les proportions propres aux femmes.
Conséquences pour les femmes
Dans plusieurs secteurs (particulièrement la construction, les services d’urgence, les énergies et certains milieux industriels), les femmes ne sont pas adéquatement protégées et s’exposent parfois à des risques additionnels. Afin d’accommoder les hanches et la poitrine, par exemple, les vêtements de protection, particulièrement les combinaisons, sont généralement trop longs et entraînent des risques de trébuchement.
Les protections antichute, tel le harnais, sont également fréquemment problématiques quant à l’ajustement et au positionnement des sangles; les modèles masculins ne sont pas conçus pour accommoder la poitrine ni s’ajuster au bassin d’une femme. Par conséquent, un déplacement des points de contact, dont le positionnement est censé permettre la répartition de l’impact, la protection des organes vitaux et le maintien de l’alignement de la colonne vertébrale en cas de chute, augmente les risques de blessures de suspension ou de blessures importantes, lors de chute, si un modèle mal adapté est utilisé.
Selon un rapport du groupe de normalisation CSA évaluant l’expérience des travailleuses canadiennes dans un large éventail de secteurs, plus de la moitié (58 %) rapportent que les EPI ne sont pas adaptés à leur taille. De plus, 44 % ont aussi indiqué apporter leurs propres EPI au travail. D’ailleurs, plus de la moitié (51 à 75 % selon la catégorie d’EPI) doivent faire des retouches à leurs EPI pour des raisons de confort ou de sécurité.
Les conséquences de cette situation incluent, entre autres, un risque accru de chute, des contraintes associées au poids ou à l’amplitude de mouvement, ainsi qu’une diminution de l’efficacité des EPI. De surcroît, 39 % des femmes sondées ont déclaré avoir subi un accident qu’elles considèrent comme étant attribuable à leur EPI. Pour toutes ces raisons, les femmes sont plus susceptibles de ne pas porter certains EPI.
Que pouvons-nous faire?
Afin de protéger efficacement les femmes en milieu de travail, il importe de sensibiliser les personnes faisant la sélection et l’achat des EPI (dont le comité de SST, selon l’art. 78 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail – LSST) et d’évaluer les besoins de l’ensemble des travailleurs et des travailleuses.
Mesurer la satisfaction ou interroger un éventail diversifié de salariés (genres et tailles variés) lors d’essais de nouveaux EPI est des plus opportuns. Les politiques de l’entreprise devraient également prévoir plusieurs options pour assurer une protection équivalente à tous et à toutes et rembourser l’achat d’EPI mieux adaptés lorsque ceux offerts ne permettent pas un ajustement adéquat.
Il serait également pertinent d’évaluer avec précisions les sommes consacrées aux EPI afin qu’elles reflètent les coûts réels raisonnables, qui peuvent être plus élevés lorsqu’ils incluent des versions mieux adaptées aux femmes, comme c’est le cas pour les harnais. Rappelons qu’au Québec, la LSST prévoit que l’employeur doit fournir gratuitement les EPI requis aux travailleurs. Cette obligation peut être respectée de plusieurs façons : mise à disposition sur place, entente de service avec un fournisseur, etc.
Enfin, les responsables des achats devraient informer régulièrement des nouveautés. Plusieurs fournisseurs, tels que Levitt Sécurité, LOAM et DWW, offrent maintenant des gammes spécifiques de vêtements de sécurité (incluant des vêtements de maternité) et d’EPI pour les femmes.
Note
1. Mesures statistiques des particularités dimensionnelles des humains : taille, hauteur assise, longueur des membres, tour de taille, tour de hanche, etc. Ces mesures sont utilisées en ergonomie et en conception de meubles, de vêtements, d’EPI, etc.