Le stress, une alarme à ne pas négliger

21 mai 2025 par
Le stress, une alarme à ne pas négliger
Alain Tremblay, CRHA, RCC

Qui n’a jamais été confronté à une situation où l’inquiétude s’intensifie et la panique s’installe?... et ce, même si un réel danger n’est pas présent. Or, nous réagissons souvent comme si nous étions exposés à une menace de grande amplitude. Pourquoi?


L’objectif de cette chronique n’est pas de démystifier de façon exhaustive les paramètres scientifiques ou psychologiques du stress, mais de réaliser qu’il est omniprésent dans notre quotidien et, bien entendu, au travail. D’ailleurs, de toutes les nations, les travailleurs canadiens seraient les plus touchés par le stress.


Le stress et les risques de nature psychosociale


Bien que l’article 51 de la Loi sur la santé et la santé et sécurité du travail soit explicite quant à l’intégrité psychique des travailleurs, les risques psychosociaux méritent d’être appréciés au-delà des paramètres prescrits.


Très souvent, la gestion de la santé-sécurité en entreprise s’avère un baromètre du stress. Cependant, n’oublions pas que la source de ce fléau vient souvent d’une discordance entre les valeurs organisationnelles souhaitées et les véritables valeurs (vécues). Cela survient si une organisation qui aspire à un climat de mieux-être entretient une course à la performance, du favoritisme ou du dénigrement, et ce, sans l’ombre de reconnaissance. Bref, un terreau fertile au stress.


Imaginez que vous recevez un courriel confidentiel du nouveau directeur, à une heure inhabituelle. Il vous demande de vous présenter au travail à l’avance le lendemain matin, de n’en parler à personne, sans plus de précisions. Dans quel état d’esprit allez-vous alors prendre la route, en songeant à la situation inconnue qui vous attend?... Tout cela pour apprendre, au bout du compte, que vous profiterez d’une promotion bien méritée!


Dans ce cas de figure, c’est l’apparence d’une menace psychologique qui a dicté votre réaction, en craignant des conséquences néfastes, et en envisageant même les pires scénarios. Force est d’admettre que notre imagination interprétative joue souvent des tours.


Historique, mécanismes et ingrédients du stress


Comme le précise le Centre d’études sur le stress humain (CESH) de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal, une première définition du stress a été donnée dès les années 1920, soit « une contrainte non spécifique sur le corps causée par des irrégularités dans son fonctionnement normal (non spécifique, car n’importe quelle maladie peut causer cette contrainte) », entraînant « une sécrétion d’hormones », soit « le Syndrome Général d’Adaptation, c’est-à-dire, les réactions à court et à long terme de notre corps face au stress ».


Les mécanismes biologiques du stress ont ainsi été identifiés et, dans la foulée, la célèbre notion de « fight or flight response ». Celle-ci se manifeste lorsque l’organisme monopolise ses ressources pour combattre une situation contraignante (menace), ou pour la fuir. Une distinction a aussi été faite entre le bon stress, nommé « eustress » et son opposé, « distress », soit le mauvais stress.


Nous retrouvons deux grandes familles catégorisant les agents de stress, soit les stresseurs physiques et psychologiques. Dans le premier cas, il s’agit de manifestations physiques qui résultent d’une expérience jugée stressante. Dans le second cas, il est question de la dimension psychologique, qui ajoute son grain de sel dès que notre interprétation s’emballe face à une situation négative ou menaçante, et ce, même si le danger n’est que potentiel.


En résumé, le stress s’apparente à une réaction de protection qui peut se manifester physiquement ou psychologiquement (incluant la dimension émotionnelle). Bien que notre imagination fertile puisse déclencher une alarme dans le but de nous protéger, il n’est pas dit que nous réagissions tous de la même façon face à une situation similaire. Ainsi, ce qui peut être perçu comme une alerte pour un individu peut se révéler anecdotique pour un autre.


Cependant, il y a des menaces que nous pourrions qualifier d’universelles, tels un incendie majeur dans vos bureaux ou votre usine, ou l’annonce d’une tornade dévastatrice. Peu importe si vous êtes en mesure de gérer vos émotions, la menace provenant du danger ainsi que la peur qui l’accompagne seront au rendez-vous.


En revanche, face au défi de s’adresser à un auditoire, de prendre la responsabilité d’un nouveau dossier ou, encore, de réussir un examen de certification, tous ne vivront pas le même niveau de stress. Ainsi, ce qui peut être perçu comme étant la fin du monde pour certains peut devenir un défi et une occasion motivante pour d’autres.


Si une pression saine et ponctuelle vous stimule et vous permet de vous dépasser, alors vous serez davantage dans une situation de stress positif, et vous vous sentirez à la hauteur de la situation. Si, au contraire, vous ne possédez pas les compétences requises pour offrir une bonne prestation ou que la confiance n’y est pas, vous risquez de sombrer dans les méandres du stress négatif. Celui-ci sera d’autant plus néfaste sur votre équilibre physique et mental s’il perdure, devenant récurrent ou chronique. Et, peu importe l’élément déclencheur ou l’origine de votre stress, une fois installé, il perturbera votre équilibre et votre psyché partout où vous trouverez.


Comment reconnaître les manifestations du stress?


Soyez attentif aux différents changements et aux sensations inhabituelles, car le stress peut se présenter sous différents aspects. Vous trouverez ci-après des exemples de symptômes fournis par le CESH :


  • Vos battements cardiaques s’intensifient et pompent plus de sang vers vos muscles.
  • Vos artères se contractent pour augmenter votre pression artérielle.
  • Vos veines se dilatent pour faciliter le flot de sang vers le cœur et l’oxygéner.
  • Vos poumons, votre gorge et vos narines s’ouvrent pour accélérer votre respiration.
  • Votre respiration s’approfondit et laisse entrer plus d’oxygène dans votre sang.
  • Les sens s’aiguisent afin de vous garder alerte.
  • Vos pupilles se dilatent pour augmenter votre vision.
  • Vous sécrétez de l’endorphine (un analgésique naturel) pour endormir la douleur en cas de blessure et vous aider à rester concentré.
  • La digestion est interrompue.
  • Votre bouche s’assèche et votre vessie et vos intestins ne fonctionnent plus normalement.
  • Les vaisseaux sanguins sous votre peau se resserrent et réduisent ainsi le risque de perdre trop de sang en cas de blessure.
  • Les glandes sudoripares s’activent pour vous rafraîchir (sueur).


Heureusement, toutes ces manifestations ne seront pas assurément au rendez-vous. Mais quelques-unes suffisent pour déclencher une alarme vous permettant de réaliser que votre équilibre est en péril. Cependant, pour faire ce constat, encore faut-il être aux aguets, ce qui est plus difficile en pleine tempête. Qui plus est, dans le feu de l’action, notre égo peut jouer des tours en mélangeant réalité et déni.


Vivre avec le stress


Pouvons-nous envisager une vie sans stress? Bien que nous aimerions répondre par l’affirmative à cette question, la nature humaine ne nous permet tout simplement pas de considérer cette option. Si le stress était perçu davantage comme un allié, serions-nous disposés à l’apprécier autrement? À bien y penser, le stress n’est qu’un mécanisme de réaction (alarme) visant à nous protéger contre une situation jugée menaçante. Que celle-ci soit réelle ou potentielle, le mécanisme de défense se dressera de la même façon, soit en monopolisant les ressources énergétiques pour réagir face au danger.


Ainsi, c’est dans une manifestation d’affrontement ou de fuite que le surplus d’énergie à notre disposition nous servira de défense. Après le passage de l’adrénaline, c’est la sécrétion d’une hormone appelée cortisol qui agira comme source d’énergie temporaire. La principale particularité de ce mécanisme est qu’il ne fait pas vraiment la distinction entre un danger imminent, réel, et un simple danger imaginaire ou potentiel. Ainsi, se protéger d’une agression ou envisager, par exemple, les conséquences d’arriver en retard au comité de santé et de sécurité, entraînera sensiblement le même mécanisme de protection-défense. Si cela n’est pas rapidement détecté et géré, la peur peut se dégrader en anxiété, en angoisse ou en panique, et risquer de nous mettre dans un état d’alerte susceptible d’amplifier le processus de stress dans le temps.


Résumé et recommandations


Peu importe ce que vous réserve la journée de demain ou les prochaines semaines, soyez attentif aux différentes manifestations que les multiples facteurs de stress pourraient déclencher. Que vous deviez faire preuve de sang-froid pour gérer une situation, une nouveauté, ou tout ce qui peut s’inscrire sous l’angle de l’imprévisibilité, sachez que le stress vous guette. De plus, si votre égo vous fait résister à la réalité en vous plongeant dans le déni, sachez que vous ne ferez que prolonger les supplices du stress.


Pour toutes ces raisons, il est profitable, comme l’indique la psychologue Lauren Florko, de d’abord prendre connaissance de la situation et de ses réactions, sans agir hâtivement ou de manière décousue, bien au contraire.