Le surmenage chez les gestionnaires : un angle mort trop fréquent

23 juin 2025 par
Le surmenage chez les gestionnaires : un angle mort trop fréquent
Charles Létourneau

Un paradoxe ronge les milieux de travail québécois : ceux que l’on attend en première ligne pour soutenir les équipes – les gestionnaires – sont eux-mêmes en détresse. En 2025, 27 % des gestionnaires canadiens se disent activement désengagés (Gallup, State of the Global Workplace, 2025), un taux inquiétant considérant que ces personnes sont censées incarner la motivation organisationnelle.


Sous pression constante


Jonglant entre objectifs stratégiques, gestion d’équipe et imprévus opérationnels, les gestionnaires subissent une pression chronique. 73 % des cadres intermédiaires se sentent « parfois ou toujours épuisés », et plus de la moitié se disent débordés (Capterra, 2024). Les professions à responsabilités multiples – notamment en ressources humaines ou en conformité juridique – affichent des taux d’épuisement record.


Ce stress prolongé a un coût tangible : les gestionnaires ont un taux de départ volontaire de 6,6 %, contre 3,8 % chez les cadres supérieurs. Remplacer un gestionnaire coûte 50 % à 200 % de son salaire annuel, sans compter les conséquences sur la cohésion d’équipe, l’erreur humaine et l’innovation (Mercer, 2024).


Une reconnaissance déficiente


Malgré ces signaux, les dispositifs de santé psychologique ciblent encore trop peu les gestionnaires. Selon le Global Culture Report d’O.C. Tanner (2023), 59 % des cas d’épuisement professionnel sont liés à une absence de soutien ou de reconnaissance. Pour un gestionnaire, cela se traduit souvent par des semaines de réunions à animer, de conflits à désamorcer et de décisions à prendre dans l’urgence – sans qu’aucun supérieur ne prenne le temps de souligner son rôle central dans la stabilité de l’équipe. Ce manque de reconnaissance n’est pas anodin : il révèle un désengagement institutionnalisé, où la contribution managériale est vue comme allant de soi, jusqu’à l’usure.


4 leviers pour renverser la tendance


Face à ce constat, les organisations doivent revoir leurs priorités. Quatre pistes se dégagent :


  1. Reconnaître activement. Mettre en place un programme structuré de reconnaissance : rétroaction fréquente, célébration de jalons, mentorat, participation aux initiatives de bien-être. Une reconnaissance managériale explicite améliore la motivation. D’ailleurs, 28 % des professionnels citent son absence comme cause majeure de démotivation (O.C. Tanner, 2023).

  2. Alléger les charges. Automatiser les tâches administratives répétitives, former à la délégation, investir dans du personnel de soutien.

  3. Inclure dans les décisions. Impliquer les gestionnaires dès la phase de planification permet d’ajuster les objectifs opérationnels à la réalité du terrain, tout en renforçant leur sentiment d’utilité.

  4. Former et soutenir. Offrir des formations pratiques en leadership résilient, en gestion du stress et en intelligence émotionnelle. Créer des communautés internes de pratique entre gestionnaires pour favoriser le partage d’expérience et la solidarité.


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Le surmenage des gestionnaires n’est pas un détail organisationnel : il compromet la qualité de la supervision, détériore le climat de travail et nuit à la performance globale. En 2025, investir dans la résilience des gestionnaires n’est plus une option, mais une stratégie de prévention essentielle.


Ce rééquilibrage passe par une reconnaissance sincère, une simplification du travail, une consultation authentique et une formation adaptée aux réalités vécues sur le terrain. Soutenir ceux qui soutiennent les autres n’est pas un luxe organisationnel, mais un must qu’aucune entreprise ne peut se permettre d’ignorer.