Reconnaître les risques psychosociaux spécifiques aux jeunes travailleurs

Par Caroline Huot, D.C.

Automne 2023 (vol. 39, no 2)

La Loi sur l’encadrement du travail des enfants et la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST), qui reconnaît maintenant les facteurs psychosociaux, nous amènent à réfléchir sur les facteurs de risque propres aux jeunes travailleurs.



La santé mentale et le stress chez les jeunes


Selon l’organisme Youth Mental Health Canada, les jeunes de 15 à 24 ans représentent le groupe d’âges le plus vulnérable aux troubles de santé mentale et, pour ceux-ci, le suicide vient au deuxième rang des causes de décès, après les accidents.


Le stress est un déterminant important de la santé mentale. Et les jeunes sont particulièrement vulnérables aux facteurs de stress. Dans son livre Par amour du stress, Sonia Lupien, chercheuse et postdoctorante en neurosciences, identifie quatre principaux facteurs de stress sous l’acronyme CINÉ, soit le faible contrôle (C), l’imprévisibilité (I), la nouveauté (N) et la menace à l’égo (É). En les contextualisant en milieu de travail, on peut identifier une prédisposition pour ce groupe d’âges.


En effet, l’inexpérience fait en sorte qu’on laisse peu de latitude aux jeunes au travail. C’est-à-dire qu’ils ont peu l’occasion de prendre des décisions sur les méthodes ou le rythme des tâches. Ils sont peu engagés dans les choix organisationnels, et les initiatives ne sont pas toujours les bienvenues (C).


Ils ont également peu d’expérience de vie, ce qui restreint leur capacité d’anticipation. Cela constitue un facteur de stress face aux imprévus qui peuvent survenir au travail (I). Tout est nouveau. Pour eux, chaque tâche, expérience ou situation de travail peut être une première (N).


Enfin, l’inexpérience accroît le sentiment de menace à l’égo. C’est-à-dire que leurs connaissances et compétences peuvent facilement être mises en doute (É).


Considérations particulières au sujet des jeunes travailleurs


Les jeunes ne comprennent pas toujours bien les effets négatifs du stress sur la santé mentale et ne sont pas véritablement aptes à reconnaître les signes de détresse psychologique. Qui plus est, ils ne savent souvent pas à qui s’adresser ou ne connaissent pas les ressources disponibles en cas de besoin.


Les jeunes travailleurs sont en période de développement cognitif, émotionnel et social, ce qui les rend plus perméables aux pressions sociales. Ils désirent faire leurs preuves et s’imposent un stress de performance. Ils veulent être intégrés au groupe, alors ils craignent de signaler un risque par peur d’être identifiés comme un « délateur ».


Selon un sondage réalisé par l’organisme manitobain Safe Workers of Tomorrow, le tiers des jeunes travailleurs ne refuseraient pas d’accomplir une tâche, et ce, même s’ils la considèrent à risque.


Parallèlement à leurs premières expériences de travail, les jeunes quittent la sécurité familiale pour devenir des membres autonomes dans la communauté. Ils ont alors besoin de se sentir valorisés et reconnus pour leur contribution envers l’organisation. Ceci leur permettra de bâtir leur confiance en soi et de vivre des expériences positives qui leur serviront dans le futur.



Le contexte d’emploi actuel


La pénurie de main-d’œuvre oblige nombre d’entreprises à se tourner vers de nouvelles ressources. Parmi celles-ci, on retrouve, entre autres, les vétérans, les jeunes et les travailleurs immigrants. Tous ces individus aux valeurs, cultures, langues – et autres particularités – différentes se côtoient au travail. Cela peut entraîner des défis divers et multiples.


Développer une gestion inclusive prend du temps, des habiletés de communication et des stratégies adaptées. Dans un contexte où plusieurs organisations doivent augmenter le nombre d’heures de travail ou réduire les heures ouvrables afin de répondre à la demande, la disponibilité est un enjeu de taille. Malheureusement, dans plusieurs milieux, faute de temps et de connaissances, la formation, l’encadrement et le mentorat des jeunes sont souvent négligés.



Les facteurs de risque psychosociaux


L’INSPQ définit les risques psychosociaux comme des « facteurs qui sont liés à l’organisation du travail, aux pratiques de gestion, aux conditions d’emploi et aux relations sociales et qui augmentent la probabilité d’engendrer des effets néfastes sur la santé physique et psychologique des personnes exposées ».


Les facteurs psychosociaux du travail les plus souvent répertoriés sont la charge de travail, la reconnaissance, l’autonomie décisionnelle, le soutien social du gestionnaire et des collègues, l’information et la communication, et la sécurité psychologique.


Soyez vigilant et bienveillant 
auprès des jeunes travailleurs

  • Ne tolérez aucune situation d’intimidation, de harcèlement ou de violence.
  • Assurez une présence et un soutien accrus auprès des jeunes travailleurs.
  • Pratiquez le renforcement positif.
  • Sollicitez les jeunes travailleurs afin d’identifier des risques, particulièrement ceux de nature psychologique.



Comment réduire les facteurs de risques psychosociaux qui touchent les jeunes travailleurs


Tout d’abord, il est nécessaire de faire la démonstration que la santé et la sécurité psychologiques revêtent une grande importance. Pour ce groupe d’âges, cet élément est essentiel. Le soutien en santé psychologique vient d’ailleurs au deuxième rang des priorités chez les jeunes en recherche d’emploi, après le régime d’épargne-retraite. À cet égard, mettre en avant le programme d’aide aux employés, la saine résolution des conflits et la politique zéro tolérance à l’égard de l’intimidation, du harcèlement et de la violence sous toutes ses formes compte pour beaucoup. Cela met en lumière les efforts de l’entreprise pour offrir de bonnes conditions d’emploi et un climat de travail harmonieux.


Ensuite, il faut être présent auprès des jeunes : aller les voir régulièrement sur le plancher pour savoir comment ils se portent et s’ils ont des questions, par exemple. Bien souvent, ils n’osent pas demander par peur de déranger ou parce que leur question leur semble stupide. Il faut se montrer disponible pour les écouter et tisser des liens de confiance. Ces pratiques de gestion assurent une bonne communication, démontrent le soutien social du gestionnaire et permettent d’évaluer la charge de travail réelle et perçue par les jeunes travailleurs, et de l’ajuster au besoin.


De plus, il est important de sensibiliser les jeunes au fait que la santé-sécurité est une responsabilité partagée entre les travailleurs et les employeurs (art. 49 et 51, LMRSST). Il est ainsi impératif qu’ils s’engagent dans l’identification, la prévention et le suivi des risques psychosociaux. De cette façon, les jeunes salariés se sentiront reconnus, investis et écoutés. Cela améliorera de surcroît leur autonomie décisionnelle. D’autre part, il faut s’assurer qu’ils soient traités de manière équitable, inclusive et respectueuse, et ce, par tous les membres du personnel, et que leur rémunération et leurs conditions de travail soient saines.


Pour y parvenir, il est possible de sensibiliser l’effectif au fait que les travailleurs novices ont moins d’expériences de vie, que la courbe d’apprentissage peut différer, qu’il est nécessaire de répéter souvent pendant la période d’intégration, et que l’on doit s’assurer de leur compréhension en leur faisant répéter la directive, par exemple. En contrepartie, on peut faire valoir que la plupart des jeunes travailleurs sont notamment très habiles avec les technologies, les réseaux sociaux et les communications (multilinguisme), et pour accéder à diverses informations, ce qui constitue un atout pour l’équipe. En plus d’offrir de bonnes conditions d’emploi, ces mesures favorisent la cohésion du groupe, l’entraide, le climat de travail, le soutien social des collègues et la reconnaissance.


En terminant, il est indispensable que les jeunes sachent à qui s’adresser, que ce soit pour des questionnements en lien avec le travail, les tâches, la santé ou la sécurité, ou pour obtenir de l’aide psychologique. Il est d’ailleurs recommandé d’élaborer un inventaire des ressources disponibles ainsi qu’une liste d’outils concrets, telles les applications de gestion du stress.


Pour parfaire vos connaissances sur les facteurs psychosociaux du travail, je vous invite à participer à notre nouvelle formation Risques psychosociaux du travail : les connaître, les comprendre et les identifier.


Caroline Huot, D.C.Conseillère et formatrice en SST

Caroline Huot est membre de l’Ordre des chiropraticiens du Québec. À ce titre, elle effectue entre autres des examens cliniques et des analyses chiropratiques. En plus d’agir comme conseillère au Centre patronal SST, elle assure des charges de cours en ergonomie et en santé mentale au travail aux premier et deuxième cycles à Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.