Un programme de prévention présente la grande démarche engagée par un employeur dans son établissement ou sur un chantier. Cela inclut notamment les mesures et les priorités d’action permettant d’éliminer ou de contrôler les risques identifiés. Dans ce qui suit, nous nous attarderons seulement aux programmes de prévention destinés aux établissements.
L’élaboration d’un programme de prévention est redevenue un sujet chaud, car les dernières obligations découlant de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) ont remis les pendules à l’heure. Ainsi, les entreprises groupant 20 travailleurs et plus doivent prévoir la mise en place d’un programme de prévention, tandis que les entreprises de moins de 20 travailleurs ont à établir un plan d’action, dont le contenu est de moindre envergure.
En guise de rappel, les établissements appartenant aux groupes prioritaires 1, 2 et 3 – et les membres d’une mutuelle de prévention ayant 20 travailleurs et plus –avaient déjà l’obligation d’élaborer un programme de prévention en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), et ce, depuis plusieurs décennies déjà. Pour la suite des choses, tous les établissements de 20 travailleurs et plus devront mettre en place les nouvelles exigences à l’égard du programme de prévention. Conséquemment, le principe de groupes prioritaires tombera.
Aussi, les dispositions relatives au « nouveau » programme de prévention (LMRSST, art. 144; LSST, art. 59) s’appliqueront à tous les établissements de 20 travailleurs et plus. Ainsi, les établissements des anciens groupes prioritaires 1, 2 et 3 devront ajuster le contenu de leur précédent programme de prévention en fonction du nouveau contenu exigé. De leur côté, les établissements comprenant 20 travailleurs et plus appartenant aux groupes autrefois appelés 4, 5 et 6 auront à établir et à mettre en œuvre leur nouveau programme de prévention en se conformant, eux aussi, au plus récent contenu indiqué à ce même article 144 de la LMRSST, et à l’article 59 de la LSST.
Il est pertinent de préciser que l’application de la LMRSST, dont la date d’effet était le 6 octobre 2021, s’échelonne en plusieurs étapes, comme précisé par le régime intérimaire qui l’accompagne.
Afin de déterminer si vous êtes concernés par les changements apportés par la LMRSST, voici les types d’établissement appartenant normalement aux secteurs d’activités des anciens groupes prioritaires 4, 5 ou 6 :
- Commerce
- Industrie du cuir
- Fabrication de machines (sauf les machines électriques)
- Industrie du tabac
- Industrie textile
- Autres services commerciaux et personnels
- Communications, transport d’énergie et autres services publics
- Imprimerie, édition et activités annexes
- Fabrication de produits du pétrole et du charbon
- Fabrication de produits électriques
- Agriculture
- Bonneterie et habillement
- Enseignement et services annexes
- Finances, assurances et affaires immobilières
- Services médicaux et services sociaux
- Chasse et pêche
- Industries manufacturières diverses
Pour ceux et celles marqués par une nature visuelle, je vous invite à consulter le diagramme préparé par notre collaborateur Denis Dubreuil afin de mieux concevoir vos obligations selon votre groupe d’appartenance et la taille de votre organisation.
L’obligation d’élaborer et d’appliquer un programme de prévention, à laquelle sont dorénavant assujettis les groupes prioritaires 4, 5 et 6, ne se manifestera cependant qu’à la fin du régime intérimaire. Ainsi, si la séquence prévue à la LMRSST et au régime intérimaire par le législateur s’applique, le projet de règlement (paru le 3 janvier 2024 dans la Gazette officielle du Québec) deviendra officiellement le Règlement sur les mécanismes de prévention et de participation en établissement.
Ainsi, il est anticipé que ce règlement soit adopté à l’automne 2024 et qu’il prenne effet le 1er octobre 2025. Une fois entré en vigueur, il imposera aux employeurs ayant déjà un programme de prévention (groupes prioritaires 1, 2 et 3) en application d’ajuster le contenu de celui-ci sans délai. Or, ce même règlement accordera un délai étendu (1er octobre 2026) aux employeurs des groupes 4, 5 et 6 afin d’élaborer et de mettre en œuvre leur programme de prévention (établissements d’au moins 20 travailleurs) ou leur plan d’action (établissement ayant moins de 20 travailleurs).
Prenez de l’avance et soyez prêt
Pour ce qui est du contenu même du programme de prévention, voici une brève description de ce qu’il devra contenir, en vertu des nouvelles exigences. Dans sa structure, nous retrouverons plus précisément les huit éléments obligatoires prévus dans tout programme de prévention.
Avant de préciser le contenu, rappelons que tous les établissements dénombrant moins de 20 travailleurs devront prévoir un plan d’action plutôt qu’un programme de prévention. Le contenu du plan d’action est également précisé à l’article 147 de la LMRSST.
DESCRIPTION ET CONTENU D’UN PROGRAMME DE PRÉVENTION
Comme précisé dans la LMRSST, le programme de prévention devra prévoir notamment les aspects suivants :
« 1° l’identification et l’analyse des risques pouvant affecter la santé des travailleurs de l’établissement, dont les risques chimiques, biologiques, physiques, ergonomiques et psychosociaux liés au travail, ainsi que de ceux pouvant affecter leur sécurité;
« 2° les mesures et les priorités d’action permettant d’éliminer ou, à défaut, de contrôler les risques identifiés en privilégiant la hiérarchie des mesures de prévention établie par règlement ainsi que les échéanciers pour l’accomplissement de ces mesures et de ces priorités;
« 3° les mesures de surveillance, d’évaluation, d’entretien et de suivi permettant de s’assurer que les risques identifiés sont éliminés ou contrôlés;
« 4° l’identification des moyens et des équipements de protection individuels qui, tout en étant conformes aux règlements, sont les mieux adaptés pour répondre aux besoins des travailleurs de l’établissement;
« 5° les programmes de formation et d’information en matière de santé et de sécurité du travail;
« 6° les examens de santé de pré-embauche et les examens de santé en cours d’emploi exigés par règlement;
« 7° l’établissement et la mise à jour d’une liste des matières dangereuses utilisées dans l’établissement et des contaminants qui peuvent y être émis;
« 8° le maintien d’un service adéquat de premiers soins pour répondre aux urgences. »
LA NOTION DE MULTIÉTABLISSEMENTS
Les éléments ci-après paraphrasent certaines notions expliquées dans le Guide sur l’approche par multiétablissements de la CNESST.
L’employeur est ainsi tenu d’élaborer et d’appliquer un programme de prévention pour chaque établissement comprenant 20 travailleurs et plus. Or, un employeur qui possède plusieurs établissements où s’exercent des activités de même nature peut élaborer et instaurer un seul programme de prévention pour une partie ou la totalité de ses établissements.
Pour déterminer si les activités sont de même nature, l’exercice de fonctions comparables par les travailleuses et les travailleurs, et leurs conditions, doivent être pris en considération.
Dans ce contexte, le programme de prévention doit :
- S’appliquer pour au moins trois ans.
- Tenir compte de l’ensemble des activités exercées dans les établissements visés.
- Inclure les établissements qui comptent moins de 20 travailleuses et travailleurs.
Cela étant précisé, assurez-vous de répondre aux critères prévus par le législateur avant d’investir votre énergie dans un projet de regroupement qui pourrait ne pas vous être destiné, et consultez attentivement le guide de la CNESST.
Notez cependant qu’afin de protéger la santé et d’assurer la sécurité et l’intégrité physique et psychique des travailleurs, la CNESST peut exiger l’élaboration et la mise en application d’un programme de prévention propre à chaque établissement qu’elle désigne, et ce, malgré l’application du concept de multiétablissements.
PRÉPARATION ET PLANIFICATION
À voir l’ampleur de l’œuvre, il faudra anticiper le temps et les ressources nécessaires permettant de bien planifier les étapes de réalisation. Même une fois élaboré, le programme de prévention, ou le plan d’action, demeurera un document de référence en constante évolution.
RÉFLEXIONS PRÉALABLES
En ce sens, plusieurs éléments sont à considérer et à déterminer en amont pour mener à bien votre programme de prévention :
- Qui fera quoi (rôles, responsabilités, porteurs de dossiers, etc.).
- Le temps de libération (prévoyez plusieurs semaines, voire un an, selon l’ampleur ou la complexité de votre organisation, la nature de vos risques, la compétence et la disponibilité des intervenants, etc.).
- La nature de la collaboration et de la participation entre les membres du comité de santé et de sécurité (CSS) et le représentant en santé et en sécurité.
- L’identification et le rôle des intervenants utiles à la collecte d’information.
- La formation d’appoint nécessaire destinée aux personnes impliquées afin de remplir efficacement leurs rôles selon leurs responsabilités.
- Déterminer les canaux de communication entre chaque unité ou intervenant engagé.
- Identifier et répertorier toutes les sources d’informations utiles (registres, politiques, procédures, programmes connexes déjà en vigueur, statistiques, rapports, audits, instructions des fabricants ou fournisseurs, lois, règlements et normes applicables, recommandations, comptes rendus du CSS, plaintes ou suggestions, etc.)
- Autres éléments jugés utiles selon chacune des structures organisationnelles.
RÉSUMÉ ET CONCLUSION
Le programme de prévention demeure un outil de gestion prévu par la loi dont l’élaboration demeure la responsabilité légale de l’employeur. Cependant, sa véritable utilité se veut pragmatique. Il s’agit d’identifier concrètement et de prévenir les dangers auxquels les travailleurs et travailleuses sont exposés. Les organisations ont ainsi tout intérêt à prendre sa démarche au sérieux, en comptant évidemment sur la collaboration des multiples intervenants concernés.
La différence entre un programme de prévention approximatif et un programme exhaustif est cruciale pour l’efficience de votre organisation mais, surtout, pour la santé et la sécurité de votre capital humain. De la sorte, je vous invite à concevoir un programme de prévention par conviction et non seulement par obligation. Cela comptera pour beaucoup dans le bon déploiement de votre programme. L’engagement et la mobilisation seront rehaussés, et la culture de la SST et des bonnes pratiques en la matière sera fortifiée.

Alain Tremblay, CRHA, RCC • Conseiller et formateur en SST
Alain Tremblay est titulaire d’un baccalauréat multidisciplinaire (relations industrielles et SST), d’une maîtrise en gestion et développement des organisations, et d’une certification en coaching professionnel (RCC). Reconnu pour son authenticité, son sens de la communication et de l’écoute, il possède une riche expérience professionnelle, ayant déjà agi à titre d’enquêteur, d’inspecteur, de gestionnaire, de formateur en entreprise et de chargé de cours au collégial, en plus d’être intervenu dans le secteur industriel et le milieu municipal.