Optimiser l’engagement des membres du comité de santé et de sécurité​

Par Lorena Fernández

Automne 2024 (vol. 40, no 2)

Ce n’est pas une nouveauté! Depuis le 6 avril 2022, en vertu du régime intérimaire prévu par la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, les établissements de 20 employés ou plus doivent créer un comité de santé et de sécurité (CSS), sauf s’ils en ont déjà un, conformément aux articles 68 et 69 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.


Cette obligation, qui vise à favoriser la participation de l’ensemble du personnel dans la gestion de la santé et de la sécurité, peut cependant peser sur les gestionnaires et les employés. Conséquemment, faute d’engagement véritable, une conformité de façade peut s’installer et l’aspect humain sera alors négligé. Ainsi, malgré les efforts investis, le fonctionnement du CSS présentera plutôt une culture de santé et de sécurité défaillante.


Par ricochet, le CSS souffrira de difficultés multiples. Deux sont cependant récurrentes : le recrutement laborieux et des taux de roulement élevés parmi les membres. Inévitablement, ces défis répétés mettront à mal la dynamique du comité.


Lors des formations que je donne sur l’implantation et la tenue efficaces de réunions de CSS, ces préoccupations, à savoir le manque de volontaires et leur départ rapide du comité, sont fréquemment exprimées par les participants. « Nous avons fait beaucoup d’efforts pour constituer notre comité et deux mois plus tard, trois membres sont déjà partis », disent-ils souvent, ajoutant que « malgré les campagnes de promotion, nous avons du mal à trouver des travailleurs prêts à participer! »


Le recrutement et la fidélisation des membres d’un CSS sont des éléments cruciaux pour assurer la continuité des initiatives et des démarches de santé-sécurité au sein de l’organisation. Or, bien que certains départs soient souvent liés à des raisons évidentes, comme un changement d’emploi ou la retraite d’un membre, d’autres peuvent être motivés par la frustration ou la déception.


La qualité d’un CSS repose sur la collaboration entre plusieurs acteurs clés. D’abord, l’engagement et le soutien de la direction sont fondamentaux pour impulser sa création et son développement, et assurer sa pérennité. De plus, une gestion efficace des membres du CSS est cruciale pour garantir la bonne organisation et l’orientation des efforts. Enfin, la participation active de l’ensemble du personnel est essentielle, car leur collaboration maintient vivantes les initiatives du comité.


Certaines pratiques peuvent entraver le bon fonctionnement d’un CSS. Voici quelques signes pouvant indiquer des difficultés majeures au sein d’un CSS :


  • L’absence de structure ou l’imprécision des procédures et des règles de fonctionnement.
  • Des changements fréquents, des reports indéfinis ou l’annulation de réunions.
  • Des réunions qui s’éternisent, sans structure claire.
  • La monopolisation des discussions par certains membres.
  • Des discussions qui dévient vers des sujets personnels ou non pertinents.
  • L’absence d’action concrète menée en matière de SST ou des engagements non tenus.
  • La répétition constante des mêmes sujets, sans avancée notoire.
  • Des membres qui, malgré leur intérêt, ne participent pas, faute de formation ou de compréhension des enjeux SST.
  • Une attitude de confrontation – et non de collaboration – entre les membres.
  • Les sujets à l’ordre du jour essentiellement sont proposés par l’une des deux parties (employeur ou salariés).
  • Une gestion tous azimuts du CSS, qui agit comme un comité d’urgence, affublé d’une longue liste de tâches à accomplir.


En de telles circonstances, le message adressé aux membres du CSS et à l’ensemble du personnel est sans équivoque : le CSS n’est pas considéré avec tout le sérieux qu’il devrait être. Ainsi, ces expériences malheureuses peuvent entraîner un double effet négatif, provoquant à la fois l’abandon des membres actuels, et la réticence des volontaires potentiels à s’engager dans cette initiative pourtant positive, tant pour l’entreprise que les salariés, pour peu que la mobilisation et le maintien de conditions propices soient au rendez-vous.



Ouvrir la voie au changement!


Le Centre patronal SST propose la définition suivante d’un CSS : « Un groupe paritaire et structuré qui travaille ensemble en vue d’améliorer de façon efficiente, efficace, réaliste et continue les actions préventives, afin d’éliminer les risques et de réduire le nombre de lésions professionnelles. »


Par conséquent, sa mise en place doit être soigneusement planifiée, avec des règles bien établies concernant la structure, le fonctionnement et l’éthique requise. Il s’avère donc primordial d’évaluer la gestion actuelle de votre CSS afin d’identifier les améliorations possibles. Voici quelques questions à examiner pour guider cette réflexion :


  • Le CSS a-t-il un mandat précis?
  • Ses objectifs sont-ils atteignables?
  • À quel moment est-il amené à intervenir?
  • Est-il en mesure d’établir des priorités?
  • Quel est le nombre de membres, et de quelle manière sont-ils désignés?
  • Quelle est la procédure de remplacement en cas de départ ou d’absence prolongée, et quelles fonctions générales sont attribuées au comité?
  • Quels pouvoirs lui sont accordés, et comment sont-ils exercés?
  • Quel est le nombre et la fréquence des réunions, et comment les réunions extraordinaires sont-elles organisées?
  • Les rôles et responsabilités des membres sont-ils clairement définis?
  • Quelle est la procédure de convocation, et comment les procès-verbaux sont-ils rédigés et conservés?
  • Quelles sont les pratiques pour la prise de décision et la gestion des conflits?
  • Les membres sont-ils formés?
  • Quelles ressources (locaux et espaces, outils, équipement audiovisuel, etc.) sont mises à sa disposition?
  • Quelles sont les attentes en matière de présence et de respect des règles?
  • Quel rôle joue l’exemplarité, et comment les membres respectent-ils leurs engagements?
  • Comment les membres participent-ils à la recherche de solutions?
  • Quelles sont les règles éthiques relatives à la confidentialité?



Recentrer la culture et favoriser l’engament!


Si vous souhaitez approfondir votre démarche, l’Outil de diagnostic de la prise en charge de la SST pour les établissements, conçu par la CNESST, vous aidera également. Il s’appuie sur cinq critères :


  1. L’engagement et le soutien de la haute direction
  2. La participation des travailleurs
  3. Les responsabilités en SST des gestionnaires et des travailleurs
  4. L’organisation de la prévention
  5. L’évaluation de la performance en SST de l’établissement


Les résultats de cette analyse guideront les acteurs de la SST dans l’élaboration d’une stratégie d’amélioration adaptée à la réalité de leur entreprise. Je vous encourage vivement à explorer et à utiliser fréquemment cette ressource.



Conclusion


Pour assurer l’efficacité d’un CSS, il est essentiel de relever les défis liés au recrutement et à la fidélisation des membres. En optimisant la gestion du CSS et de la SST, les organisations peuvent développer une culture de SST positive tout en favorisant l’engagement des employés. Cela permet d’établir une conformité légale authentique, avec une attention particulière portée à l’aspect humain.


Offrir une expérience enrichissante aux membres du CSS est crucial pour maintenir la motivation et garantir le succès des initiatives en santé et sécurité au travail.

Lorena FernándezConseillère et formatrice en SST

Lorena Fernández étudie particulièrement la question de l'équité, de la diversité et de l'inclusion (EDI) dans les organisations, notamment en ce qui a trait au personnel issu de l'immigration. Elle est notamment titulaire d’un diplôme de deuxième cycle en gestion globale de la SST (Université de Sherbrooke), en plus d’avoir précédemment obtenu un DESS en psychologie industrielle (Pontificia Universidad Catolica del Ecuador).