Changements règlementaires sur le bruit : quoi retenir pour être prêt!

Par Dominique Beaudoin

Printemps 2023 (vol. 39, no 1)

Cet article examine les changements au Règlement sur la santé et la sécurité du travail, qu’il importe de bien comprendre. L’orientation sera aussi donnée quant aux ajustements apportés au Code de sécurité pour les travaux de construction.


Le 16 juin 2021, le règlement modifiant les obligations par rapport au bruit a été adopté. Il faut ainsi se préparer aux changements prescrits à compter du 16 juin 2023. À cet effet, j’ai eu la chance de discuter avec Sophie Charron, conseillère experte en prévention-inspection à la CNESST.


Mais regardons d’abord ce qui attire l’attention à propos des changements à venir.


Nouvelles valeurs limites d’exposition : des chiffres éloquents


Le Règlement modifiant le Règlement sur la santé et la sécurité du travail – ce règlement modifie aussi le Code de sécurité pour les travaux de construction (CSTC) – prescrit notamment un changement de la valeur limite d’exposition (VLE) sur 8 heures, qui passe de 90 dBA à 85 dBA¹. On sait aussi que le facteur de bissection passera de Q=5 à Q=3. Cela signifie que lorsque le niveau augmentera de 3 dBA, le temps d’exposition diminuera de moitié². Ainsi, lorsque le niveau grimpe de 3 dBA (88 dBA), pour que l’exposition soit équivalente à la VLE, soit 85 dBA sur 8 heures, le temps d’exposition ne doit pas dépasser 4 heures.


Le Tableau 1, ci-contre, présente les niveaux de bruit continu et les durées d’exposition à ne pas dépasser selon la règlementation actuelle. Le Tableau 2, ci-après, présente les niveaux de pression acoustique continus et les durées d’exposition équivalentes à la valeur limite d’exposition (VLE) quotidienne au bruit prenant effet à compter du 16 juin 2023. Ces valeurs sont les mêmes pour le CSTC.


Tableau 1. Valeur limite actuellement en vigueur au RSST pour le bruit continu


Tableau 2. Niveau de pression acoustique continu (équivalent) à ne pas dépasser, en vigueur à compter du 16 juin 2023


Nous passons à une valeur limite d’exposition quotidienne plus faible. À première vue, cela peut inquiéter, mais cette nouvelle VLE offre une meilleure prévention de la perte auditive, d’autant que l’accent est toujours mis sur les moyens de réduction à la source.


C’est d’ailleurs une transition intéressante en matière de sensibilisation au risque de surdité professionnelle. Prenons l’exemple d’une scie circulaire coupant du bois. Supposons qu’elle possède une intensité sonore de 105 dBA³, qu’elle soit utilisée par un travailleur qui ne porte pas de protecteurs auditifs, mais qui affirme en avoir pour peu de temps. Or, selon les tableaux, la période d’une heure permise actuellement au Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RSST) passera à environ quatre minutes! De plus, il ne faut pas oublier que d’autres tâches exposant au bruit risquent de survenir durant la journée de travail.


La nouvelle VLE sur huit heures tient compte des bruits impulsionnels. La valeur limite pour le niveau de pression acoustique de crête de 140 dBC ne peut pas être dépassée, et ce, peu importe la durée de l’exposition. Ici, la valeur instantanée est mesurée avec la pondération C, qui tient compte de la sensibilité de l’oreille humaine lors de l’exposition à un bruit impulsionnel.


RENCONTRE AVEC SOPHIE CHARRON DE LA CNESST


Question de bien se préparer, je partage avec vous, ci-après, les éléments clés qui sont ressortis de ma rencontre avec Sophie Charron, conseillère experte en prévention-inspection à la Direction de l’hygiène du travail de la CNESST. Elle se spécialise dans la prévention de l’exposition au bruit et anime notamment des webinaires sur les changements règlementaires depuis 2021. Elle participe aussi activement aux efforts de la CNESST, et de ses partenaires, visant à soutenir les milieux de travail dans leur prise en charge du risque d’exposition au bruit.


Les changements règlementaires en établissement


À vol d’oiseau, il y a grosso modo cinq grandes étapes qu’un employeur doit suivre en établissement pour vérifier s’il respecte les changements en vigueur à compter du 16 juin 2023.


Étape 1

Les employeurs doivent identifier les situations de travail à risque de dépasser les VLE.


Cela se fait à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions règlementaires et dans les 30 jours suivant un changement dans une situation de travail.


Pour commencer, il faut se rappeler la définition d’une situation de travail, soit : « un métier ou une fonction représentative d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui comprend l’ensemble de ses tâches ou de ses activités, en tenant compte de son lieu de travail ». Mettre à contribution les travailleuses et les travailleurs concernés permet de mieux identifier les situations à risque.


À ce stade, le législateur n’oblige pas systématiquement un mesurage normé, soit une méthode d’évaluation des niveaux de bruit pour déterminer avec fiabilité et précision l’exposition au bruit en milieu de travail. Ainsi, les employeurs peuvent faire appel à des personnes qualifiées, mais il peut aussi y avoir d’autres moyens.


Lors des webinaires offerts par Sophie Charron, une question est revenue souvent : comment évaluer une situation de travail présentant un risque de dépassement des VLE?


Dans un premier temps…

Vous pouvez utiliser l’outil Test de communication dans le bruit – Test de la voix, récemment publié sur le site de la CNESST. Celui-ci pose la question suivante : « À quelle fréquence est-il nécessaire de hausser le ton ou de crier pour avoir une conversation à un mètre de distance? » Avec l’aide des travailleuses et des travailleurs, et en respectant les instructions, le test permet d’évaluer si la situation présente un risque de dépasser la VLE, et ce, selon un code de couleurs.


Pour les situations de travail où l’identification du risque est moins évidente…

Il faut progressivement aller vers des méthodes plus précises. Par exemple, il est possible d’avoir recours à des données d’exposition quotidienne issues de sources fiables. Il est aussi possible de mesurer les niveaux d’intensité sonore avec un sonomètre intégrateur sans procéder à un mesurage normé.


Ici, on peut notamment s’inspirer de la méthode donnée dans le CSTC pour évaluer l’obligation du port de protecteurs auditifs : « L’évaluation du niveau de bruit réalisée à l’aide d’un sonomètre intégrateur ou d’un dosimètre doit être effectuée par une personne qui possède les connaissances requises et qui agit conformément aux règles de l’art. […] De plus, le sonomètre intégrateur et le dosimètre doivent être correctement étalonnés sur site, avant et après la prise d’une mesure, conformément aux spécifications du fabricant de l’instrument utilisé. »


À titre d’exemple, le sonomètre intégrateur permet de connaître les niveaux de bruit moyens sur des périodes données. Un autre appareil, le dosimètre, est adapté aux situations où le son fluctue en raison des déplacements du travailleur. Le dosimètre est porté par ce dernier durant la période de mesure de l’exposition.


Lorsque cela devient trop complexe, les employeurs peuvent faire appel à des personnes qualifiées pour procéder à un mesurage normé. Comme mentionné précédemment, cela permet d’obtenir un portrait complet et précis des situations présentant un risque de dépassement des VLE. Nous reparlerons plus en détail du mesurage normé à l’étape 3.


Dans tous les cas, il faut s’assurer que les données sont représentatives de la situation de travail réelle.


Prenez note :


  • Le 16 juin 2023, la nouvelle règlementation entre en vigueur.
  • Le 16 juin 2024, au plus tard, l’inventaire des situations de travail présentant un risque de dépassement des VLE devra être terminé.


Étape 2

Dans l’année qui suit, les employeurs seront tenus d’identifier les moyens raisonnables permettant d’éliminer ou de réduire le bruit à la source, puis de commencer leur mise en œuvre.

On peut penser, par exemple, au remplacement d’une machine trop bruyante ou à l’entretien d’un équipement afin de le garder en bon état, et à réduire les frottements ou les vibrations qui causent le bruit.


Si ces moyens ne sont pas suffisants, les employeurs doivent mettre en œuvre les autres solutions nécessaires, en cohérence avec la hiérarchie des moyens de prévention, et ce, afin de respecter les valeurs limites d’exposition. Pour réduire la propagation du bruit, on peut alors penser à l’encoffrement d’une machine ou d’un équipement, à l’insonorisation d’un local, à l’isolation d’un poste de travail ou à l’éloignement du travailleur de la source du bruit.


Repères pour les principes de base en matière de réduction du bruit

Les principes de base en matière de réduction du bruit demeurent ceux présentés dans les parutions reconnues. Le document Prise en charge des risques liés à l’exposition au bruit en milieu de travail – Guide sur les moyens pour réduire l’exposition des travailleuses et des travailleurs de la CNESST est un exemple. Il y a aussi la capsule vidéo Réussir un encoffrement acoustique et la fiche technique Concevoir une enceinte insonorisante, diffusées par l’ASP Multiprévention⁴.


Étape 3

Une fois tous les moyens raisonnables mis en œuvre, ou s’il n’y en a pas, il est obligatoire de procéder à un mesurage normé, soit une méthode d’évaluation des niveaux de bruit, pour déterminer avec fiabilité l’exposition au bruit.

Il est ici question de connaître le niveau d’exposition quotidienne au bruit des travailleurs afin que cela ne dépasse pas 85 dBA pour une journée de 8 heures, par exemple (voir le Tableau 2). On veut également s’assurer que les travailleurs ne sont pas surexposés aux bruits impulsionnels, soit des bruits de courte durée (généralement moins d’une seconde) qui atteignent un niveau très élevé, caractérisé par une ascension brusque et une décroissance rapide du niveau sonore. On peut penser à du martelage ou à une cloueuse pneumatique, par exemple. Ces bruits sont mesurés en niveau de pression acoustique de crête et ne doivent pas dépasser 140 dBC. Les bruits impulsionnels sont intégrés au niveau d’exposition quotidienne.


Un mesurage normé doit être fait en tenant compte de la norme CSA Z107.56-13, 2014 ou ISO 9612:2009⁵, et ce, par des personnes compétentes⁶ en hygiène du travail, en acoustique, ou qui maîtrisent les règles de l’art du mesurage du bruit en milieu de travail.


Le sonomètre intégrateur ou le dosimètre utilisé pour le mesurage normé doit correspondre à l’un de ceux recommandés par les normes précédemment citées.


Étape 4

Lorsque, malgré tous les efforts, il demeure impossible de respecter les VLE…

Il faut réduire le temps d’exposition des travailleurs au bruit ou fournir des protecteurs auditifs. Cela est aussi nécessaire pendant la mise en place de moyens raisonnables et l’entretien ou la réparation d’un équipement.


Réduction du temps d’exposition

Il est prescrit d’utiliser le tableau règlementaire (voir le Tableau 2) ou la calculette développée par la CNESST⁷. Celle-ci peut aider à évaluer l’effet d’une réorganisation des tâches d’une situation de travail. Il faut toutefois avoir accès aux niveaux de pression acoustique continus équivalents, soit l’intensité du bruit mesurée en dBA pour chaque tâche. Ces mesures peuvent être obtenues à l’aide de mesures normées ou non normées. Les mesures non normées doivent être obtenues dans une approche en cohérence avec les explications présentées à l’étape 1.


Protecteurs auditifs

Les protecteurs auditifs fournis doivent répondre aux critères de performance et de sélection de la norme canadienne CSA Z94.2-2014 ou ceux contenus dans les normes européennes EN 352 et EN 458:2016⁵. Cela doit venir avec une formation (théorique et pratique) portant entre autres sur les éléments à considérer dans le choix et l’utilisation des protecteurs, selon les situations de travail, leur ajustement, leur inspection, leur entretien et les risques associés au bruit.


Affichage

Un affichage est toujours exigé pour indiquer qu’une zone de travail requiert le port de protecteurs auditifs. Cependant, lorsqu’il ne sera pas possible d’utiliser une affiche, d’autres moyens devront être employés et les travailleurs devront être informés.


Étape 5

Réévaluation des moyens raisonnables.

Lorsqu’il n’est pas possible de respecter les VLE malgré tous les efforts de correction, il faut réévaluer, tous les cinq ans, s’il existe de nouveaux moyens qui peuvent contribuer au respect des VLE. La science évolue et ce changement règlementaire va certainement nourrir de nouvelles idées. Les établissements évoluent aussi. C’est pourquoi il faut maintenir les efforts afin que les sources de bruit ne tombent pas dans l’oubli. On ne doit pas baisser les bras.<


Vos efforts contribuent à une bonne cause… des vidéos en témoignent!

Tous ces efforts aident à réduire l’exposition des travailleurs au bruit. Les statistiques⁸ récentes démontrent que 86 % des maladies professionnelles sont liées aux troubles de l’ouïe ou de l’audition. D’ailleurs, plusieurs vidéos éloquentes visant à sensibiliser les milieux de travail quant aux effets de l’exposition au bruit sont disponibles. L’une de celles-ci présente le témoignage d’une dame souffrant d’une surdité professionnelle. Très touchant, ce témoignage, disponible dans la capsule Ce bruit qui dérange⁹ de l’émission Facteurs de risque, rappelle comment les effets du bruit peuvent être sournois au départ, mais prennent ensuite de l’ampleur et rendent la vie plus difficile. Le dossier Oreilles, bruit et audition de Savoir média présente d’autres vidéos et capsules traitant entre autres de solutions et de recherches visant à réduire le bruit et comprendre les particularités des protecteurs auditifs.


Figure 1. Résumé des délais liés aux étapes 1 à 5Figure 1. Résumé des délais liés aux étapes 1 à 5


Pour nous aider à intégrer les délais des étapes 1 à 5, vous trouverez ci-dessus une figure présentée par Hassan Zarmoune et Sophie Charron au Grand Rendez-vous de la CNESST en mai dernier.

La mise en œuvre de tous les moyens raisonnables doit être terminée avant le début de la prochaine évaluation quinquennale¹⁰.


Prenons un exemple concret…

Le 20 juin 2023¹¹, j’identifie une situation de travail à risque de dépasser les VLE. Entre le 20 juin 2023 et 20 juin 2024, j’analyse les moyens à la source et je constate que je peux installer des amortisseurs, mais que cela ne sera pas suffisant pour respecter les VLE. J’analyse alors les autres moyens pour réduire l’exposition des travailleurs et je constate que je peux aussi installer des écrans et des matériaux acoustiques. Le 20 juin 2024, je dois commencer l’installation d’au moins un de ces moyens. L’installation de tous les moyens doit être terminée avant le 16 juin 2028. Je dois également procéder au mesurage normé au plus tard 30 jours après l’installation (la mise en œuvre) de ces moyens. Pendant tout ce temps, je fournis des protecteurs auditifs ainsi qu’une formation théorique et pratique à mes travailleurs.


La phase de mise en œuvre de certains moyens raisonnables peut parfois nécessiter plus de ressources : consulter le Réseau de la santé publique en santé au travail (RSPSAT) ou son association sectorielle paritaire (ASP) pour obtenir du soutien, trouver les bons fournisseurs de matériaux, recourir aux services d’une entreprise spécialisée pour l’installation, etc. Procéder rapidement à l’identification permettra d’enchaîner sans tarder avec de la mise en œuvre et, conséquemment, de disposer du temps nécessaire avant la fin du délai pour consulter les ressources nécessaires et finaliser les travaux.


Et le mesurage normé, lorsqu’il n’y a pas de moyen raisonnable?

Le 20 juin 2023¹², j’identifie une situation de travail à risque de dépasser des VLE. Du 20 juin 2023 au 20 juin 2024, j’analyse les moyens de réduction à la source, de remplacement et de contrôle technique, comme l’installation d’amortisseurs et d’écrans. Je regarde aussi du côté de l’encoffrement, de l’isolation d’un local, etc. Je constate cependant qu’aucun moyen raisonnable ne s’applique malgré toutes les recherches.


L’article 138 indique que « le mesurage doit être effectué dans les 30 jours de la fin du délai prévu pour l’identification d’un moyen raisonnable ». Or, il y a un délai d’un an entre l’identification de la situation de travail à risque de dépasser les VLE et le début de la mise en œuvre (art. 133 du Règlement). Si, dans cet exemple, le 19 juin 2024, je constate qu’il n’y a pas de moyen raisonnable, je dispose de 30 jours après cette date pour procéder au mesurage normé. De plus, il faudra alors se tourner vers la réduction du temps d’exposition au bruit ou fournir des protecteurs auditifs aux travailleurs, comme expliqué à l’étape 4.


Autres obligations : affichage, rapports de mesurage et tenue de registre

Le rapport d’un mesurage doit être affiché et rendu disponible aux travailleurs pour une période minimale de trois mois. Les informations suivantes doivent être consignées dans le programme de prévention ou, à défaut, dans un registre, pour une période minimale de 10 ans : les situations de travail à risque de dépassement de VLE, les moyens de réduction de l’exposition mis en place et les rapports de mesurage. Il est également recommandé de consigner les moyens non retenus. Cela facilitera votre réévaluation quinquennale des moyens raisonnables.


Les changements règlementaires visant les chantiers de construction


Pour les chantiers de construction, comme il ne s’agit pas du même contexte qu’en établissement, qu’en est-il pour être en conformité?

Il y a plusieurs similarités avec ce qui est demandé en établissement, mais des nuances importantes sont à apporter en contexte de chantier, surtout pour ce qui est des délais et du mesurage. Comme un chantier est éphémère, il y a peu de délais établis. Il faut s’adapter rapidement, avant et pendant la réalisation des travaux. Voici donc l’essentiel des étapes pour être en conformité.


Étape 1

Évaluer chaque situation de travail présentant un dépassement des VLE lors de la planification et de la réalisation des travaux.

Le mesurage normé n’est pas obligatoire en construction, et ce, peu importe l’étape. Une approche progressive similaire à celle décrite pour le RSST peut-être employée.


Étape 2

Mettre en œuvre les moyens raisonnables pour éliminer ou réduire le bruit à la source.

Comme en établissement, on peut également penser, par exemple, au remplacement d’une machine trop bruyante ou à l’entretien d’un équipement pour le garder en bon état. Il est entre autres question de prendre les moyens raisonnables afin de faire l’acquisition de l’équipement le moins bruyant lors de l’achat ou du remplacement d’un outil, d’un véhicule, d’un engin, d’une machine ou d’un autre équipement, afin de respecter les VLE.


Si ces moyens ne sont pas suffisants pour permettre le respect des valeurs limites d’exposition, mettez en œuvre les autres moyens nécessaires afin de respecter les VLE. Sensiblement les mêmes principes s’appliquent qu’en établissement. Il est possible de limiter la propagation du bruit (encoffrement d’une machine ou d’un équipement, isolation d’un poste de travail, éloignement du travailleur de la source de bruit, etc.).


Étape 3

Évaluer l’obligation du port des protecteurs auditifs.

Le port des protecteurs auditifs est obligatoire si :


  • Il n’est pas possible de converser avec une personne située à environ un mètre sans hausser le ton ou crier.
  • Il y a présence de bruits impulsionnels (ex. : martelage, cloueuse pneumatique).
  • Le niveau de bruit mesuré dépasse les VLE.


Le mesurage normé n’est pas obligatoire, mais s’il est choisi…

Il doit être fait en considérant les recommandations de la norme CSA Z107.56-13, 2014 ou de la norme ISO 9612:2009⁵, et ce, par des personnes compétentes en hygiène du travail, en acoustique ou dans les règles de l’art relativement au mesurage du bruit en milieu de travail⁶⁶.


Pour l’évaluation non normée des niveaux de bruit, on doit utiliser un sonomètre intégrateur de type I ou de type II, ou un dosimètre de type II. L’évaluation du niveau de bruit doit être effectuée par une personne qui possède les connaissances requises et qui agit, encore une fois, conformément aux règles de l’art. Cette personne doit être disponible durant toute la journée de travail. L’appareil de mesure doit être correctement étalonné sur place avant, et après les mesures, toujours selon les directives du fabricant.


Étape 4

Réduire la durée d’exposition ou fournir des protecteurs auditifs et une formation théorique et pratique.

Il faut aussi réduire le temps d’exposition des travailleurs ou fournir des protecteurs auditifs lors de la période de mise en place des moyens raisonnables et de la réparation ou de l’entretien d’une machine ou d’un équipement. Le temps d’exposition au bruit doit être réduit au moyen du tableau règlementaire (voir le Tableau 2) ou de la calculette développée par la CNESST⁷. Dans toutes ces circonstances, il faut aussi fournir des protecteurs auditifs aux travailleurs lorsque l’on répond à au moins un des critères de l’étape 3.


Mettre les bons protecteurs à disposition est de mise. Ces derniers doivent répondre aux critères de performance et de sélection présents dans la norme canadienne CSA Z94.2-2014 ou dans les normes européennes EN 352 et EN 458:2016⁵. On doit s’assurer que les travailleuses et travailleurs sont formés (formation théorique et pratique), entre autres sur les éléments à considérer dans le choix et l’utilisation des protecteurs, selon les situations de travail, leur ajustement, leur inspection, leur entretien et les risques associés au bruit.


Autres obligations : affichage, rapports de mesurage et tenue de registre

Un affichage n’est pas exigé pour avertir qu’une zone requiert le port de protecteurs auditifs, mais cela est recommandé. Le rapport d’un mesurage normé doit être affiché et rendu disponible aux travailleurs jusqu’à la fermeture du chantier, ou pour une période de trois mois. Les informations suivantes doivent être consignées dans le programme de prévention ou, à défaut, dans un registre : les situations de travail sujettes au dépassement des VLE, les moyens de réduction de l’exposition mis en place et les rapports de mesurage normé. Il faut conserver ces rapports durant une période minimale de 10 ans, tandis que les autres informations doivent être archivées jusqu’à la fermeture du chantier.


Voilà un beau tour de piste des principales étapes à maîtriser selon le contexte de travail. Nous avons aussi discuté avec Sophie Charron des outils actuellement disponibles pour aider les employeurs dans leurs démarches, et des autres qui seront bientôt prêts.

À cet égard, le site Internet de la CNESST est à surveiller, particulièrement dans les prochaines semaines. On y trouve actuellement les outils dont nous avons parlé, en plus de schémas qui résument les étapes pour les changements au RSST et au CSTC. D’autres guides sont en cours de production par la CNESST, en collaboration avec les associations sectorielles paritaires (ASP) et le Réseau de la santé publique en santé au travail (RSPSAT). La collaboration avec les travailleurs y sera également mise en avant. En attente de la parution de ces guides, des outils diffusés par d’autres organismes peuvent être utiles¹³.


Conclusion


En conclusion, ces changements règlementaires visent la mise en place de moyens de réduction efficaces pour prévenir la perte auditive. Tous les efforts déployés comptent pour beaucoup!


REMERCIEMENTS


Je tiens à remercier Sophie Charron pour le temps consacré à nos discussions sur ces changements règlementaires. Nous voilà en possession de plus d’informations pour se préparer aux changements à venir!



RÉFÉRENCE


3. LAPERRE. Volume & décibels, [En ligne], 18 juillet 2019. [https://www.lapperre.be/fr/blog/protection-auditive/volume-et-decibels/]


NOTE


1. Pour celles et ceux qui s’y connaissent moins en matière de bruit, les décibels (dB) sont les unités de mesure du bruit réel. Toutefois, pour tenir compte de la réponse de l’oreille humaine, l’exposition quotidienne au bruit au travail est mesurée en dBA. Par exemple, l’intensité du bruit (ou énergie sonore) d’un mélangeur (90 dBA) est presque quatre fois supérieure à celle d’un rasoir électrique (85 dBA). Aussi, la courbe du bruit est exponentielle : à chaque palier de 3 dBA, l’intensité double! Pour plus d’informations, consultez cet article publié dans une récente édition de Convergence SST.


2. Ce passage est inspiré du document Les limites d’exposition au Québec, au Canada et dans les autres provinces, disponible au www.cpq.qc.ca/fr/landing/les-limites-d-exposition-au-quebec-au-canada-et-dans-les-provinces-canadiennes/ (page défunte).


4. La vidéo et la fiche technique sont disponibles au https://multiprevention.org/publications/concevoir-une-enceinte-insonorisante


5. Les normes prévues au Règlement peuvent être consultées via le Centre d’information scientifique et technique de la CNESST.


6. Par exemple, une personne compétente en hygiène du travail d’une équipe de santé au travail, d’une association sectorielle paritaire (ASP) ou d’une firme de consultants.


7. Retrouvez la calculette au https://servicesenligne.cnesst.gouv.qc.ca/prevention/calculette-bruit/index.aspx.


8. Consultez les statistiques au www.cnesst.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/statistiques-annuelles_0.pdf.


9. Retrouvez cette vidéo au https://savoir.media/facteurs-de-risque/clip/ce-bruit-qui-derange.


10. Avec exception, lorsque l’identification du changement survient moins de deux ans avant la fin de cette période. S’il choisit de mettre en œuvre un moyen raisonnable, l’employeur dispose alors d’une période de deux ans, à partir de ce changement, pour compléter la mise en œuvre de ce moyen (art. 133 du Règlement).


11. Comme illustré à la Figure 1, il est toutefois à noter que l’inventaire des situations de travail présentant un risque de dépassement des VLE doit être terminé au plus tard le 16 juin 2024. Pour ce même exemple, si l’identification de la situation de travail à risque de dépasser les VLE a été effectuée le 15 juin 2024, entre le 16 juin 2024 et le 16 juin 2025, j’analyse les moyens à la source et je constate que je peux installer des amortisseurs, mais que cela ne sera pas suffisant pour respecter les VLE. J’analyse les autres moyens pour réduire l’exposition des travailleurs et je constate que je peux aussi installer des écrans et des matériaux acoustiques. Le 16 juin 2025, je dois commencer l’installation d’au moins un de ces moyens. L’installation de tous les moyens doit être terminée avant le 16 juin 2028 (voir la Figure 1).


12. Comme cela est illustré à la Figure 1, il est toutefois à noter que l’inventaire des situations présentant un risque de dépassement des VLE doit être terminé avant le 16 juin 2024. Pour ce même exemple, si je constate cependant qu’aucun moyen raisonnable ne s’applique malgré toutes les recherches, l’article 138 indique que « le mesurage doit être effectué dans les 30 jours de la fin du délai prévu pour l’identification d’un moyen raisonnable ». Or, il y a un délai d’un an entre l’identification de la situation de travail à risque de dépasser les VLE et le début de la mise en œuvre (art. 133 du Règlement). Ainsi, si dans cet exemple, le 15 juin 2025, je constate qu’il n’y a pas de moyen raisonnable, j’ai jusqu’au 15 juillet 2025 pour procéder au mesurage normé. De plus, il faudra alors se tourner vers la réduction du temps d’exposition au bruit ou fournir des protecteurs auditifs aux travailleurs, comme expliqué à l’étape 4.


13. On compte parmi ceux-ci un document du CCHST, un document de l’ASP Construction, et deux documents de l’INRS (France) (www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206035 et www.inrs.fr/media.html? refINRS=ED%20962).

Dominique BeaudoinConseillère et formatrice en SST

Membre de l’Association québécoise pour l’hygiène, la santé et la sécurité du travail et diplômée de l’Université de Montréal (SST, formation en milieu de travail, intervention auprès des groupes et organisations), Dominique Beaudoin a œuvré plus de huit ans dans le réseau de la santé et des services sociaux au sein des équipes de santé-sécurité, avant de se joindre au Centre patronal SST.