De nouvelles règles pour les espaces clos!

Par Louise Neveu, CRHA

Printemps 2023 (vol. 39, no 1)

Le Règlement modifiant le Règlement sur la santé et la sécurité du travail (RMRSST) entrera en vigueur le 25 juillet 2023 et réformera la section XXVI (Espaces clos) du texte précédent. Cet article présente les ajustements les plus importants ainsi qu’un résumé des discussions et des réflexions échangées avec notre collaborateur et spécialiste des espaces clos, Monsieur Gaétan Leblanc.


Le RMRSST apporte plusieurs nouveautés en ce qui a trait aux espaces clos, concernant la définition même, la façon d’aborder les travaux qui y sont effectués, leur conception ou leur rénovation, ainsi que la mise à jour des dispositions existantes. Plusieurs articles sont demeurés inchangés. D’autres offrent un élément supplémentaire ou des modifications dans les références à un article précis.


Afin de faciliter la lecture et la compréhension du présent article, reportez-vous au besoin au document hébergé sur notre site Web qui compare la règlementation actuelle avec celle qui entrera en vigueur dès le mois de juillet.


Espace clos : définition et impacts


La nouvelle définition offerte par le RMRSST a évacué certains aspects physiques d’un espace clos, tels que l’entrée et la sortie par voie restreinte, non conçues pour être occupées par des personnes. Elle mise davantage sur les dangers présents ou ceux pouvant être introduits par des activités de travail, ou l’environnement de l’espace clos. Par exemple, une piscine creusée n’est pas en soi un espace clos. Cependant, une opération de peinture à l’intérieur de la piscine, surtout au fond de celle-ci, entraîne un risque d’asphyxie en raison des émanations de gaz toxiques plus lourds que l’air provenant de la peinture. Une telle situation compromet la vie du travailleur et est traitée comme étant un espace clos par la CNESST, en raison de la nature des dangers présents et des mesures de prévention à instaurer.


On constate aussi que la définition des espaces clos dans la législation fédérale diffère de celle présente dans le RMRSST. Dans le Règlement canadien sur la santé et la sécurité au travail (RCSST), il y en a deux types : l’« espace clos » et l’« espace clos dangereux » (art. 11.01, RCSST).


La norme CSA Z1006:16 (C2020) (art. 3.1)¹, quant à elle, offre une définition qui mise davantage sur les caractéristiques physiques dudit espace, et qui ressemble grandement à celle de la règlementation fédérale. Cependant, toutes ces définitions considèrent, entre autres, les dangers inhérents à leur conception, à leur environnement et à la capacité de permettre l’évacuation rapide d’une personne blessée, malade ou en danger.


Par ailleurs, lorsque l’on examine les éléments à identifier et à analyser, lors de la collecte de données préalables à un travail en espace clos, on y trouve, entre autres, les caractéristiques de l’espace clos en question, car elles sont nécessaires à l’identification et à l’évaluation des autres dangers présents (la hauteur à l’intérieur de l’espace, les moyens d’accès et d’évacuation, les bifurcations, etc.). L’ensemble de ces constats nous amène à penser que l’on pourrait être en présence d’espaces clos permanents et d’autres ponctuels, selon les tâches qui y sont effectuées et des dangers atmosphériques.


La Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) précise à l’article 51 que l’employeur doit « s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires ». En ce qui a trait au travail en espace clos, cela signifie que le travailleur doit pouvoir entrer et sortir en sécurité et que l’on doit pouvoir lui porter secours advenant un événement imprévu.


Les réflexions et discussions avec Gaétan Leblanc nous ont amenés à envisager l’identification des espaces clos sous l’aspect d’un piège, tant à l’égard des dangers présents dans ledit espace que ceux que l’on peut y introduire, par diverses activités de travail, et la capacité à secourir la personne advenant un évènement accidentel. Une double notion doit être envisagée lors de l’identification, soit 1) celle d’espace clos et; 2) celle de l’urgence (ex. : noyade, ensevelissement, gaz toxique ou déficience en oxygène). Advenant une telle situation, peut-on secourir rapidement (souvent une question de quelques minutes à peine) l’entrant pris au piège de cet espace?


La norme CSA Z1006 identifie (Annexe A / A.2.2) une liste non exhaustive d’espaces clos à laquelle on pourrait, entre autres, ajouter les entretoits de peu de hauteur ayant des entrées et des sorties restreintes et servant à faire passer des conduites de gaz ou autres substances dangereuses.


Autres définitions importantes


La personne qualifiée (art. 297)

Ici, la définition demeure identique. Cependant, on peut s’interroger sur les connaissances et la formation requises permettant de s’acquitter des tâches. La norme CSA Z1006:16 (C2020) indique, à l’Annexe A (art. A.1.3) certaines formations nécessaires à la démonstration de compétences, soit :


  • l’identification des dangers;
  • l’analyse de risque;
  • la détermination des mesures préventives, des mesures spéciales, et autres mesures et équipements ou mesures de contrôle spéciales;
  • l’élaboration des méthodes de travail sécuritaires;
  • la diffusion de formations.


N’oublions pas qu’en vertu de l’article 303, tant dans la règlementation actuelle que dans la nouvelle, la personne qualifiée doit voir à la formation du travailleur relativement aux méthodes et techniques à utiliser en présence de poussières combustibles dans un espace clos.


Par ailleurs, la personne qualifiée se voit investie de nouvelles responsabilités en vertu de l’article 308.2, soit la révision des renseignements recueillis et la détermination des moyens de prévention appropriés avant la reprise du travail après une évacuation due à la présence d’un nouveau danger non identifié avant les opérations (art. 308.1).


Les travailleurs habilités (art. 298)

La seule modification apportée à la définition d’un travailleur habilité est l’introduction de l’âge minimal, soit 18 ans.


Considérant la pénurie de main-d’œuvre, qui amène de très jeunes travailleurs sur le marché du travail, et la grande dangerosité des tâches, une telle limitation s’avère essentielle. Nous sommes aussi d’avis que cela devrait s’appliquer au surveillant. Par ailleurs, n’oublions pas qu’un travailleur de 18 ans ne peut compter sur « l’expérience requise », et qu’il devra être encadré de près, tant pour la préparation que pour l’exécution du travail.


Le surveillant (art. 308)

Le surveillant doit être une personne désignée par l’employeur, avoir les habiletés et les connaissances nécessaires, utiliser un moyen de communication bidirectionnel pour demeurer en contact avec l’entrant, et être en mesure d’ordonner à l’entrant d’évacuer l’espace clos.


Le surveillant doit aussi « interdire l’entrée et, le cas échéant, ordonner l’évacuation d’un espace clos lorsque lui-même, une personne qualifiée ou un travailleur habilité identifie un risque pour la sécurité autre que ceux identifiés conformément à l’article 300 » (art. 308.1).


Nous nous sommes posé plusieurs questions en regard de ces articles. Pour l’heure, nous n’avons pas les réponses à toutes ces questions :


  • Quelles sont les habilités et connaissances nécessaires? Celles du travailleur habilité, ou celles de la personne qualifiée (ou autres)?
  • Le salarié ordonnant au travailleur d’évacuer ou lui refusant l’entrée est-il une personne en autorité, ou quelqu’un à qui l’on a délégué cette autorité pour ces circonstances particulières?
  • Cette délégation sera-t-elle attribuée à diverses personnes? Celles-ci seront-elles connues officiellement par les autres membres de l’équipe afin d’éviter d’éventuels conflits?


N’oublions pas que le surveillant doit être près de l’entrée durant tout le temps que dure la présence d’un collègue dans l’espace clos.


La caractéristique des espaces clos


Les divers renseignements devant être répertoriés et évalués pour caractériser les espaces clos s’avèrent quasi identiques, mais ils ont été regroupés différemment, en quatre grands thèmes d’information :


  1. Les dangers et risques associés à l’atmosphère, tels que la déficience ou l’excès d’oxygène (O2), la présence de contaminants, de gaz ou de vapeurs, ou de matières pouvant dégager des gaz ou des vapeurs, des contraintes thermiques, etc., y compris ceux pouvant être introduits lors des travaux.
  2. Ceux concernant les risques associés aux matières à écoulement libre et pouvant causer l’ensevelissement ou la noyade d’un travailleur.
  3. Ceux concernant les autres risques pouvant compromettre la sécurité ou l’évacuation d’un travailleur. Par exemple : les moyens d’entrée et de sortie, la configuration intérieure, les énergies, les pièces en mouvement, l’éclairage, les sources d’inflammation parmi lesquelles le meulage et les véhicules ont été ajoutés, etc.
  4. Moyens de prévention protégeant la santé et assurant la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs, et plus particulièrement :
    • les méthodes et techniques sécuritaires pour accomplir le travail;
    • l’équipement approprié et nécessaire pour accomplir le travail;
    • les moyens et équipements de protection individuels ou collectifs;
    • les moyens prévus au plan de sauvetage, conformément à l’article 309.

Plusieurs éléments des formulaires de caractérisation peuvent vous sembler sans importance. Cependant, ils sont essentiels pour identifier d’autres dangers, tels que le volume de l’aire de travail dans l’espace clos, nécessaire à l’évaluation de la puissance du ventilateur requis selon les taux d’O2, et l’épaisseur des murs de l’espace clos permettant d’évaluer le temps requis pour le percer, afin d’évacuer un travailleur s’il est impossible de le sortir par l’entrée.


Un autre aspect essentiel de la collecte de données est l’identification et l’information relative aux diverses sources d’énergie, ainsi que l’existence et la vérification des fiches de cadenassage pour chaque espace clos. La codification, tant des sources d’énergie que des divers dispositifs d’isolement, doit être clairement inscrite sur chaque élément ainsi que sur les fiches de cadenassage.


La caractérisation des espaces clos devra aussi être effectuée lorsque vous confiez des travaux à un sous-traitant. En tant que donneur d’ouvrage, il est de votre responsabilité de fournir aux sous-traitants les informations relatives aux espaces de travail, aux dangers présents, ainsi que les mesures de prévention et méthodes à utiliser sur les lieux du travail. Vous devrez aussi vous assurer que les travaux confiés au sous-traitant sont effectués conformément à la caractérisation, aux mesures préventives et aux méthodes sécuritaires, en tenant compte du plan d’urgence, tout en s’assurant de disposer, sur place, des équipements de sauvetage requis.


La ventilation


Deux modifications majeures ont été apportées eu égard à la ventilation. Elles ont trait à la concentration en oxygène et à la concentration de gaz ou de vapeurs inflammables. La concentration en oxygène doit être égale ou supérieure à 20,5 % et égale ou inférieure à 23 %. Quant à la concentration de gaz ou de vapeurs inflammables, celle-ci doit demeurer inférieure à 5 % de la limite inférieure d’explosion (LIE), au lieu de 10 %.


Cette modification demandera la vérification et l’ajustement des seuils de détection des détecteurs de gaz, ainsi que des seuils de détection des appareils d’étalonnage et de calibration. Certains appareils devront être remplacés si l’ajustement n’est pas possible.


L’aménagement des nouveaux espaces clos et les rénovations


L’article 297.1 du RMRSST ajoute l’obligation d’intégrer, lors de l’aménagement d’un nouvel espace clos ou de la rénovation d’un espace clos existant, des équipements et des installations permettant d’intervenir de l’extérieur. Ces nouveaux aménagements visent à diminuer le nombre d’entrées en espace clos ou le temps qui y est passé. Des méthodes de travail correspondantes à ces nouveaux aménagements devront être élaborées et disponibles sur les lieux avant leur mise en service. Si de tels aménagements sont impossibles, leur agencement doit permettre de maîtriser efficacement les dangers identifiés selon les modalités de l’article 300 et d’intégrer les équipements et installations permettant de :


  • Contrôler les risques atmosphériques, d’ensevelissement ou de noyade.
  • Faciliter l’entrée et la sortie, les déplacements à l’intérieur et le sauvetage.
  • Contrôler l’accès et prévenir les chutes.
  • Contrôler les autres dangers pour compromettre la santé et la sécurité.


Depuis quelques années, des solutions à diverses problématiques relatives aux espaces clos ont vu le jour. Mentionnons, entre autres :


  • L’utilisation d’une caméra et d’une lampe à diode électroluminescente fixées à une perche ajustable, reliées par Bluetooth à une tablette électronique.
  • La conception d’un réservoir d’eau portable sans entrée en espace clos.
  • Le couvercle transparent pour regard de conduit².


Cependant, beaucoup de solutions demeurent encore à trouver et à mettre en pratique.


Adopter un plan de sauvetage


L’article 309 du RMRSST est entièrement nouveau et remplace celui actuellement en application. Il est question d’un plan de sauvetage à élaborer, et non uniquement d’une procédure.


Ce plan de sauvetage doit inclure « les équipements et moyens pour secourir rapidement tout travailleur effectuant un travail dans un espace clos. Les équipements et les accessoires requis doivent être :


  • adaptée à l’utilisation prévue ainsi qu’aux conditions spécifiques des travaux et de l’espace clos;
  • vérifiés et maintenus en état;
  • présents et facilement accessibles à proximité de l’espace clos en vue d’une intervention rapide ».


Les autres obligations prévues au plan de sauvage incluent :


  • Un protocole d’appel et de communication pour le déclenchement des opérations de sauvetage.
  • La nomination d’une personne pour diriger les opérations de sauvetage.
  • Une formation spécifique au sauvetage pour les travailleurs affectés à ce type d’opération.
  • L’élaboration, par les travailleurs affectés aux opérations de sauvetage, de divers scénarios d’exercices permettant de s’exercer au respect des multiples techniques, du protocole de communication et de l’utilisation de sauvetage requis selon les situations.


Les équipements de sauvetage peuvent être différents d’un espace à l’autre. En effet, la configuration interne, les entrées et sorties, les dangers présents ainsi que la nature de l’urgence peuvent rendre certaines opérations de sauvetage beaucoup plus difficiles ou compliquées que d’autres.


L’obligation d’un plan de sauvetage remet en question le recours à une équipe de sauvetage d’une entreprise ou d’une ville voisine, à plus forte raison si l’on considère les dangers suivants : présence d’un gaz toxique ou asphyxiant, d’un ensevelissement, arrivée ou montée d’un liquide pouvant entraîner une noyade. Dans des cas semblables, l’équipe de sauvetage doit pouvoir intervenir en quelques minutes à peine si l’on veut être en mesure de sortir les entrants en toute sécurité.


De plus, l’article 309 précise que les équipements de sauvetage doivent être présents et facilement accessibles à proximité de l’espace clos en vue d’une intervention rapide.


Conclusion


La modification de la section XXVI du Règlement sur la santé et la sécurité du travail présente de gros défis pour la majorité des entreprises ayant des espaces clos, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises.


Les modifications à la règlementation actuelle visent principalement à diminuer le nombre d’entrées en espace clos et le temps nécessaire pour y effectuer les tâches requises.


La création de cercles d’échange entre entreprises, le développement intraorganisation de nouveaux outils, d’équipements et de façons de faire pour diminuer les risques sont autant de moyens à explorer et à encourager pour améliorer en continu les conditions du travail en espace clos et éviter des pertes de vie.


Nous vous encourageons également à vous inscrire à la formation Travail en espace clos : les responsabilités de l’employeurs, animée par Gaétan Leblanc, co-auteur du présent article. Truffée d’exemples pratiques, elle vous permettra de mieux comprendre l’ensemble des défis et des pièges du travail en espace clos.



NOTES


1.  La norme CSA Z1006:16 (C2020) n’est pas d’application obligatoire, puisque non mentionnée dans le RSST. Cependant, elle mérite une attention particulière en guise de référence aux bonnes pratiques.


2. Les exemples cités sont affichés sur le site de l’APSAM au www.apsam.com/theme/types-de-travail/espaces-clos.


À titre indicatif, vous trouverez la section XXVI du RSST au www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/S-2.1,%20 r.%2013?langCont=fr#ga:l_xxvi-h1.

Louise Neveu, CRHAConseillère et formatrice en SST

Louise Neveu possède une longue expérience en SST. Elle a notamment travaillé pour les Imprimeries Québecor, la Ville de Montréal, et les firmes Aon et Momentum Santé et Sécurité, à titre de consultante, en plus d’avoir œuvré, entre autres, dans les domaines de l’agroalimentaire, des pâtes et papiers, de la sidérurgie et de la santé. Elle détient un baccalauréat de l’Université de Montréal (concentration en santé-sécurité) ainsi qu’un diplôme de deuxième cycle en gestion stratégique de la santé-sécurité de l’Université de Sherbrooke.