Quand la loi en SST s’adresse aux chantiers de construction

Par Alain Tremblay, CRHA, RCC

Printemps 2023 (vol. 39, no 1)

De nouvelles approches concernant la gestion de la prévention bouleversent le paysage des comités de santé et de sécurité, ainsi que la mise en œuvre des programmes de prévention. Il est maintenant temps de faire de la SST un chantier d’amélioration continue!


Depuis l’entrée en vigueur de la Loi modifiant le régime de santé et de sécurité du travail (LMRSST) en octobre 2021, les établissements ont été principalement ciblés par diverses adaptations concernant certains mécanismes de prévention. Cependant, depuis le 1er janvier 2023, les chantiers de construction ont rejoint la marche. De plus, un nouveau règlement, soit le Règlement sur les mécanismes de prévention propres aux chantiers de construction, agit à titre de complément législatif.


En voulant rehausser l’étendue de certains mécanismes de prévention, tout en recadrant ou en précisant certaines fonctions, le législateur nous a livré de nouvelles règles d’application. Ainsi, la LMRSST nous expose à de multiples ajustements, certains déjà en vigueur, et à d’autres qui s’ajouteront.


Puisque la LMRSST s’applique de façon progressive selon un calendrier bien précis, le 1er janvier 2023 a marqué une étape charnière bouleversant la gestion de la prévention sur les chantiers de construction. Le 6 avril 2022, les établissements des secteurs prioritaires III, IV, V et VI ont vu leur environnement s’enrichir d’un comité de santé et de sécurité. De plus, un représentant en santé et en sécurité (RSS) pour les établissements de 20 travailleurs et plus, de même qu’un agent de liaison pour les établissements de moins de 20 travailleurs, se sont ajoutés au panorama.




Entrons dans le vif du sujet : les chantiers de construction et les changements en vigueur depuis janvier 2023


Voici donc les principaux éléments (ainsi que le sommaire des changements à considérer) :


  1. Le programme de prévention (PP chantier)
  2. Le comité de chantier (CC)
  3. Le représentant en santé et en sécurité (RSS)
  4. Le coordonnateur en santé et en sécurité (CoSS)
  5. La formation obligatoire (1er janvier 2024)


Précisons que l’application de ces éléments varie selon le nombre de travailleurs simultanément présents sur le chantier à un moment des travaux. Notons également que leur application, selon les nouvelles règles de la LMRSST, s’adresse à toute ouverture de chantier déposée à la CNESST à compter du 1er janvier 2023.


Les lignes qui suivent synthétisent l’application des cinq volets énumérés, selon le nombre de travailleurs présents.


1. Élaboration du programme de prévention (PP)

Comme avant, le programme de prévention demeure en vigueur, alors que son format et son mode de transmission varieront en fonction du nombre de travailleurs de la construction présents simultanément sur le chantier à un moment des travaux. Rappelons qu’un travailleur de la construction se définit comme un salarié au sens de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (chapitre R-20).


Chantier de neuf travailleurs et moins : c’est le programme de prévention de chaque entreprise (sous-traitants) de construction qui sera pris en considération.


Chantier de 10 à 19 travailleurs : le programme de prévention doit être élaboré par le maître d’œuvre conjointement avec les employeurs (sous-traitants) avant le début des travaux sur le chantier. Celui-ci est alors transmis à l’ASP Construction et au représentant en santé et en sécurité.


Chantier de 20 à 99 travailleurs : le programme de prévention de chantier est également élaboré par le maître d’œuvre, conjointement avec les employeurs (sous-traitants), avant le début des travaux. Celui-ci est aussi transmis à l’ASP Construction et au représentant en santé et en sécurité. De plus, toujours avant le début des travaux, il devra être transmis à la CNESST.


J’aimerais attirer votre attention sur une distinction importante : avant le 1er janvier 2023, le programme de prévention devait être déposé à la CNESST qu’à partir de 25 travailleurs.


Chantier de 100 travailleurs et plus : les mêmes conditions qu’un chantier de 20 à 99 travailleurs s’appliquent. Cependant, notons que la gestion du programme de prévention et sa mise à jour évoluent selon l’avancement du chantier et la nature des travaux.


2. Le comité de chantier (CC)

Chantier de 20 travailleurs et plus : pour être en cohérence avec le programme de prévention, le comité de chantier prendra également forme dès la présence de 20 travailleurs sur le chantier. Celui-ci doit être mis en place dès le début des travaux sous la responsabilité du maître d’œuvre.


La première rencontre devra avoir lieu au plus tard 14 jours après le début des travaux. Par la suite, le comité se réunira au moins une fois toutes les deux semaines.


Chantier de 100 travailleurs et plus, ou d’une valeur de 12 millions $ et plus : les mêmes paramètres qu’un chantier de 20 travailleurs et plus s’appliquent, à l’exception de la fréquence des réunions. Bien que la première rencontre se tiendra également au plus tard 14 jours après le début des travaux, les réunions subséquentes devront avoir lieu au moins une fois par semaine.


3. Le représentant en santé et en sécurité (RSS)

Le rôle du représentant en santé et en sécurité sur le chantier sera très important. Sa présence et son temps de libération varieront selon le nombre de travailleurs simultanément présents sur le chantier. Ainsi, il pourra exercer ses fonctions prévues par la LMRSST à l’occasion d’une libération à temps partiel ou à temps plein.


Il faudra s’assurer que sa présence couvre l’ensemble des quarts de travail, selon la nature des travaux. Pour les grands chantiers, il est même possible que plus d’un représentant en santé et en sécurité soit libéré à temps plein.


Chantier de 10 à 19 travailleurs / RSS à temps partiel : le représentant en santé et en sécurité est désigné par les travailleurs dès le début des travaux. Afin d’accomplir ses tâches efficacement, son temps de libération minimal est d’une heure par jour.


Cependant, le temps de libération pour certaines interventions ponctuelles, comme la participation à une enquête d’accident, l’accompagnement d’un inspecteur lors d’une visite ou l’assistance d’un travailleur dans l’exercice d’un droit de refus, n’est pas comptabilisé dans son temps de libération habituel et récurrent.


Le RSS est désigné parmi les travailleurs du chantier ou, à défaut, par l’association représentative ayant le plus de travailleurs sur le chantier.


Chantier de 20 à 99 travailleurs / RSS à temps partiel : comme c’est le cas pour un chantier de 10 à 19 travailleurs, le représentant en santé et en sécurité demeure désigné par les travailleurs dès le début des travaux.


Le temps de libération minimal journalier pour accomplir ses tâches varie selon le nombre de travailleurs en présence. Le RSS demeure désigné parmi les travailleurs du chantier ou, à défaut, par l’association représentative ayant le plus de travailleurs sur le chantier.


Voici le nombre d’heures de libération du RSS selon le personnel sur le chantier :

  • 10 à 24 travailleurs : 1 heure
  • 25 à 49 travailleurs : 3 heures
  • 50 à 74 travailleurs : 4 heures
  • 75 à 99 travailleurs : 6 heures


Encore une fois, le temps de libération pour certaines interventions ponctuelles n’est pas comptabilisé dans son temps de libération habituel et récurrent.


Chantier de 100 travailleurs et plus, ou d’une valeur de 12 millions $ / RSS à temps plein : puisqu’il s’agit d’un chantier d’envergure, un représentant en santé et en sécurité doit être désigné par les associations représentatives dès le début des travaux. Celui-ci doit être présent à plein temps sur tous les quarts de travail du chantier.


Selon l’envergure des travaux et en fonction de la quantité de travailleurs, tout en couvrant l’ensemble des quarts de travail, le nombre de représentants en santé et en sécurité à temps plein peut se multiplier. Ainsi, nous pourrions atteindre jusqu’à 5 RSS lorsqu’on y dénombre 1 200 travailleurs et plus. Celui-ci est désigné par l’ensemble des associations accréditées.


Voici le nombre de RSS selon le personnel sur le chantier :

  • 100 à 199 travailleurs : 1 RSS
  • 200 à 599 travailleurs : 2 RSS
  • 600 à 899 travailleurs : 3 RSS
  • 900 à 1 199 travailleurs : 4 RSS
  • 1 200 travailleurs et plus : 5 RSS


4. Le coordonnateur en santé et en sécurité (COSS)

Avant le 1er janvier 2023, en présence de 150 travailleurs, ou lorsque le chantier atteignait une valeur de 8 millions $, un agent de sécurité qualifié devait être engagé par le maître d’œuvre.


Depuis le 1er janvier 2023, en plus du représentant en santé et en sécurité, lorsque le chantier atteint 100 travailleurs et plus ou atteint une valeur de 12 millions $, le maître d’œuvre doit maintenant prévoir la présence d’un coordonnateur en santé et en sécurité à temps plein.


Celui-ci est sous sa gouverne et remplacera l’agent de sécurité, tout en conservant les mêmes qualifications. Tout comme le représentant en santé et en sécurité, son nombre peut varier selon la quantité de travailleurs présents sur le chantier. Encore une fois, tout comme le représentant en santé et en sécurité à temps plein, le coordonnateur en santé et en sécurité doit être en mesure de couvrir l’ensemble des quarts de travail.


Voici le nombre de CoSS selon le personnel sur le chantier :

  • 100 à 199 travailleurs : 1 CoSS
  • 200 à 599 travailleurs : 2 CoSS
  • 600 à 899 travailleurs : 3 CoSS
  • 900 à 1 199 travailleurs : 4 CoSS
  • 1 200 travailleurs et plus : 5 CoSS


5. La formation obligatoire

Bien que la formation prévue de tous ces intervenants ne devienne obligatoire qu’au 1er janvier 2024, il est recommandé de s’y attarder maintenant afin d’être déjà prêt à répondre aux exigences.


Ainsi, le représentant à temps partiel en santé et en sécurité (RSS) devra obtenir une attestation de formation théorique de trois heures. S’il est à temps plein, il devra se prémunir d’une attestation de formation théorique de 40 heures.


Pour ce qui est des membres du comité de chantier (CC), ils devront détenir une attestation de formation théorique d’une heure. Cependant, les personnes qui possèdent une attestation de formation de CoSS ou de RSS à plein temps seront exemptées.


Finalement, en ce qui concerne le coordonnateur en santé et en sécurité (CoSS), celui-ci devra obtenir une attestation de formation théorique de 240 heures. Seules les personnes détenant une attestation d’agent de sécurité ou une attestation de formation théorique de CoSS délivrée par la CNESST peuvent occuper le poste de CoSS.


En conclusion, tous ces changements ne peuvent qu’apporter du positif en optimisant la prise en charge de la santé-sécurité sur les chantiers de construction. Ces mécanismes de prévention pourront générer les effets désirés qu’avec la participation de différents intervenants (membres du CC, RSS et CoSS). La santé-sécurité est désormais un chantier en pleine évolution, et nous vous souhaitons un franc succès dans sa gestion et sa mise en application.

Alain Tremblay, CRHA, RCCConseiller et formateur en SST

Alain Tremblay est titulaire d’un baccalauréat multidisciplinaire (relations industrielles et SST), d’une maîtrise en gestion et développement des organisations, et d’une certification en coaching professionnel (RCC). Reconnu pour son authenticité, son sens de la communication et de l’écoute, il possède une riche expérience professionnelle, ayant déjà agi à titre d’enquêteur, d’inspecteur, de gestionnaire, de formateur en entreprise et de chargé de cours au collégial, en plus d’être intervenu dans le secteur industriel et le milieu municipal.