L’âgisme en milieu de travail

Ses manifestations et ses conséquences

Par Lorena Fernández

Printemps 2024 (vol. 40, no 1)

À un certain stade de notre vie professionnelle, le risque de devenir une cible potentielle en raison de notre âge s’accroît. Qui plus est, sans même le savoir, nous pouvons devenir victime de nous-même, ou offenser une autre personne à notre tour. Pour en apprendre davantage sur l’âgisme et ses méfaits, je vous invite à lire les lignes qui suivent. 



Qu’est-ce que l’âgisme?


Selon l’Organisation mondiale de la Santé, l’âgisme fait référence à la forme de pensée (stéréotypes), aux sentiments (préjudices) et à la manière de se comporter (discrimination) en fonction de l’âge d’un individu, que l’on s’afflige soi-même (autoâgisme) ou que l’on peut faire subir à autrui.


En fait, la discrimination fondée sur l'âge ne se concentre pas seulement sur une catégorie précise de la population, mais sur l'ensemble de celle-ci. Nous sommes le fruit d’un système multidimensionnel (social, économique, culturel, politique, etc.) qui favorise et reproduit consciemment ou inconsciemment les inégalités fondées sur l’âge (âgisme systémique), et les milieux de travail n’échappent pas à cette réalité.



L’âgisme en milieu de travail


Comme mentionné précédemment, personne n’est à l’abri de cette forme de discrimination. Toutefois, en milieu de travail, selon la littérature, les individus les plus exposés sont les jeunes (diplômés ou non), qui commencent à s’intégrer au marché du travail, ainsi que les personnes approchant de l’âge de la retraite, de même que les retraités qui reprennent une activité professionnelle. 


Des constats alarmants ont été partagés dans le Guide de discussion sur l’âgisme au Canada concernant la discrimination envers le personnel âgé :


  • Les employeurs croient ou intériorisent fréquemment les stéréotypes concernant les personnes âgées. Cela peut conduire à des pratiques âgistes dans le processus de recrutement et d’embauche, et dans les possibilités de formation et de développement de carrière.

  • Ces stéréotypes peuvent amener le personnel appartenant à ce groupe d’âges à douter indûment de leur valeur professionnelle et à abandonner le marché du travail précipitamment. 



Comment l’âgisme se manifeste 


L’âgisme se présente sous les quatre principales formes (intentionnelles ou non) suivantes¹ :


  • L’âgisme hostile : paroles ou actes blessants et malintentionnés.
  • L’âgisme de compassion : exprimé par des attitudes paternalistes et infantilisantes; également appelé âgisme bienveillant ou positif; souvent moins perceptible.
  • L’âgisme intergénérationnel : agissements discriminatoires entre les générations.
  • L’âgisme intragénérationnel : discrimination au sein d’un groupe de personnes appartenant à une même génération. 


Voici quelques exemples d’âgisme envers les jeunes ou les personnes âgées de la part de l’employeur, de ses représentantes ou de collègues :


  • Blagues et sarcasmes sur l’âge.
  • Présupposer qu’une personne jeune ou âgée est incapable d’être autonome ou qu’elle ne peut satisfaire aux exigences d’un emploi.
  • Refuser l’aménagement raisonnable ou approprié d’un poste ou des conditions de travail.
  • Priver une personne de son pouvoir de décision en raison de son âge.
  • Politiques et pratiques discriminatoires fondées sur l’âge.
  • Commentaires inappropriés sur l’apparence physique concernant l’âge.
  • Considérer que le personnel âgé est moins enclin et moins apte à suivre une formation.
  • Croire que les bénéfices de la formation du personnel âgé sont trop faibles. 
  • Communiquer de manière condescendante.
  • Présumer que le personnel âgé n’est pas ouvert et disposé à s’adapter au changement, notamment aux nouvelles technologies.
  • Mettre en doute le potentiel et les compétences professionnelles.
  • Parler plus lentement et/ou plus fort, selon le cas.
  • Couper la parole à une personne jeune ou âgée.
  • Accorder à la jeunesse une trop grande valeur.



Les conséquences de l’âgisme en milieu de travail


Cette forme de violence entraîne des effets néfastes, tant pour l’organisation que pour le personnel. Voici quelques exemples : 


Sur le milieu de travail
Sur le personnel
  • Taux plus élevé de lésions professionnelles
  • Manque de participation en matière de SST
  • Baisse de la productivité
  • Absentéisme et présentéisme
  • Conflits intergénérationnels
  • Roulement de personnel élevé et difficultés de recrutement
  • Mauvaise image et réputation ternie
  • Diminution de la santé et du bien-être
  • Faible estime de soi
  • Sentiment d’injustice
  • Insatisfaction professionnelle
  • Avancement professionnel limité
  • Sentiment de dépendance
  • Isolement professionnel et social
  • Sentiment d’incompétence
  • Stress
  • Dépression
  • Retraites anticipées ou départs volontaires


Les conséquences de l’âgisme se font également ressentir dans différents domaines de la vie des personnes qui en sont victimes. Celles-ci sont alors plus susceptibles de connaître des problèmes de santé physique et mentale, de voir leurs possibilités de carrière s’amenuiser, de subir des difficultés financières, etc.



Combattre la discrimination fondée sur l’âge


La lutte contre l’âgisme en milieu de travail n’est pas une tâche facile. Les stéréotypes sont profondément ancrés dans les perceptions de chaque individu et dans la société, et sont renforcés par des facteurs organisationnels, socioculturels, et la communication de masse. Cependant, il est possible pour l’employeur d’amorcer un mouvement qui, à terme, apportera des changements et diminuera cette forme de violence. Voici quelques pistes d’action :


  1. L’employeur doit mener une introspection personnelle et organisationnelle pour reconnaître l’existence de ce type de discrimination.

  2. Former et informer le personnel sur les risques d’être touché par l’âgisme. Ces gestes, qui participent à assurer la sécurité physique et psychique des travailleuses et travailleurs, doivent être renouvelés périodiquement.

  3. Déployer des campagnes de sensibilisation et d’éducation pour éveiller la conscience du personnel quant à la discrimination fondée sur l’âge. 

  4. Implanter une politique visant à contrer le harcèlement discriminatoire fondé sur l’âge.

  5. Envisager la mise en œuvre d’une stratégie d’équité, de diversité et d'inclusion au sein de l’organisation.



Conclusion


Un environnement de travail exempt d’âgisme, où l’ensemble du personnel peut s’épanouir professionnellement, offre de nombreux avantages, tant pour l’entreprise que ceux qui y œuvrent. Y parvenir représente un défi qui doit être relevé par l’employeur, car le succès n’arrive pas en cliquant des doigts! Cela requiert du courage, du temps, de la patience, des ressources, et l’engagement de chaque membre de l’organisation.




NOTE


1. Les informations suivantes sont tirées du site GIRA (Rompre avec l’âgisme c’est d’abord le comprendre et « Travailler c’est trop dur ». Avec de l’âgisme au travail) et d’Emploi et Développement social Canada.

Lorena FernándezConseillère et formatrice en SST

Lorena Fernández étudie particulièrement la question de l'équité, de la diversité et de l'inclusion (EDI) dans les organisations, notamment en ce qui a trait au personnel issu de l'immigration. Elle est notamment titulaire d’un diplôme de deuxième cycle en gestion globale de la SST (Université de Sherbrooke), en plus d’avoir précédemment obtenu un DESS en psychologie industrielle (Pontificia Universidad Catolica del Ecuador).