La prise en charge de la violence et du harcèlement selon la règlementation fédérale

Par Denis Dubreuil

Printemps 2024 (vol. 40, no 1)

L’entrée en vigueur du projet de loi C-65 du gouvernement fédéral a entraîné de nombreux changements, tant en matière de prévention que de résolution d’incidents de harcèlement et de violence au travail. Ainsi, depuis le 1er janvier 2021, tout employeur de compétence fédérale doit respecter ces exigences, entre autres celles du Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail


Ce cadre légal a introduit de nouvelles dispositions visant à favoriser une culture et un environnement de travail exempt de harcèlement et de violence, y compris le harcèlement sexuel. Voyons plus en détail ce qu’indique le législateur fédéral à ce sujet. 



Définir la violence


Malheureusement, de nombreux incidents en lien avec le harcèlement et la violence surviennent chaque année dans tous types de milieux de travail. Depuis peu, un courant de sensibilisation et de changements est cependant en œuvre. On note d’ailleurs que certaines législations ont été renforcées pour mieux prendre en charge et prévenir les incidents de cette nature. Au fédéral, une liste de mesures a été intégrée au Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail


Dans toute démarche de contrôle, établir des mécanismes d’intervention est essentiel. Mais, avant tout, il importe de définir le terme « harcèlement et violence ». Le Code canadien du travail le définit comme suit :


« Tout acte, comportement ou propos, notamment de nature sexuelle, qui pourrait vraisemblablement offenser ou humilier un employé ou lui causer toute autre blessure ou maladie, physique ou psychologique, y compris tout acte, comportement ou propos réglementaire. »


Un document d’Emploi et Développement social Canada présente des exemples d’actes, de comportements ou de propos relevant du harcèlement et de la violence. 


On compte parmi les actes de violence :


  • Frapper ou mordre une personne
  • Donner des coups de poing ou attaquer avec une arme
  • Jurer, crier de façon offensante ou exprimer de la violence verbale
  • Toucher ou agresser sexuellement
  • Infliger de mauvais traitements


Le harcèlement comprend quant à lui des actes tels :


  • Ridiculiser une personne
  • Proférer des menaces verbales ou intimider
  • Faire des insinuations ou des sous-entendus à caractère sexuel
  • Afficher des images ou autres éléments visuels offensants
  • Faire des gestes agressifs, menaçants ou grossiers, ou ayant trait à la race, à l’origine ethnique, à l’expression de genre, etc.



Les obligations règlementaires


Dans toute prise en charge du dossier mettant en cause du harcèlement ou de la violence, l’employeur de compétence fédérale doit, minimalement, intégrer les obligations imposées par le Règlement sur la prévention du harcèlement et la violence dans le lieu de travail. Elles se déclinent selon cinq grands sujets :


  1. La mise en place de mesures de prévention et de protection
  2. L’établissement de mesures d’urgence
  3. L’élaboration et la mise en œuvre d’un programme de formation
  4. L’organisation d’un processus de règlement d’incident
  5. La conservation des dossiers dans un registre


La mise en place de mesures de prévention occupe une place prépondérante dans cette démarche. Ainsi, les articles 5 à 10 du Règlement enjoignent à l’employeur d’effectuer une évaluation du milieu de travail et d’établir une politique de prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail. Les précisions suivantes pourraient constituer les éléments de base à intégrer à votre propre plan d’action afin de vous conformer aux exigences règlementaires fédérales.



L’évaluation du lieu de travail


L’évaluation du lieu de travail constitue la première étape menant concrètement à la mise en place de mesures de prévention. Les actions suivantes correspondent à la démarche classique pour l’élaboration d’un plan d’action :



  • Élaborer des mesures de prévention visant à atténuer le risque de harcèlement et de violence.

  • Établir un plan de mise en œuvre des mesures de prévention élaborées.

  • Implanter des mesures de prévention conformément au plan de mise en œuvre.



La politique de prévention


En vertu du Règlement, le contenu d’une politique de prévention doit inclure, minimalement, les éléments suivants :  


  • L’énoncé de la mission de l’employeur en lien avec la prévention et la répression.
  • La description des rôles des différents intervenants à ce titre.
  • La description des facteurs de risques internes et externes du lieu de travail.
  • Le résumé de la formation donnée.
  • Le résumé du processus de règlement d’un incident.
  • Le résumé des mesures d’urgence.
  • La façon dont l’employeur protège la vie privée des personnes en cause lors d’un incident.
  • Les recours – en plus de ceux visés par la Loi – pour les personnes concernées par l’incident.
  • Les mesures de soutien disponibles pour les employés.
  • Le nom de la personne à qui les plaintes doivent être adressées.



Les mesures d’urgence et la formation


Les dispositions du Règlement incluent également des obligations à l’égard des mesures d’urgence et de la formation. 


D’abord, l’employeur doit élaborer et mettre en place des mesures d’urgence lorsqu’un incident occasionne un danger immédiat pour la santé et la sécurité d’un employé, ou lorsqu’un tel incident menace de se produire. L’employeur doit donner aux employés le plein accès à toutes les mesures d’urgence établies et, après chaque mise en œuvre, les examiner et les mettre à jour au besoin.


Aussi, l’employeur doit préparer ou sélectionner la formation sur le harcèlement et la violence que suivront les employés. Elle devra être adaptée à la culture, aux conditions et aux activités du lieu de travail, et contenir, notamment, les éléments de la politique de prévention du harcèlement et de la violence, de même que les façons de reconnaître, de réduire et de prévenir le harcèlement et la violence dans le lieu de travail, ainsi que la façon d’y donner suite.


L’employeur doit veiller à ce qu’un employé reçoive la formation dans les trois mois suivant la date du début d’emploi ou, s’il a commencé avant la date d’entrée en vigueur du Règlement, dans l’année suivant celle-ci. Enfin, cette formation doit être suivie à nouveau par l’employé tous les trois ans. 



Le processus de règlement


Sans préciser tous les détails indiqués aux articles 11 à 34 du Règlement, mentionnons que l’employeur est tenu d’établir des mécanismes de traitement d’un avis d’incident. La démarche de règlement d’un incident par l’employeur compte, minimalement, les six étapes suivantes :


  1. Transmettre un accusé de réception à la suite de l’avis d’incident.
  2. Procéder à une tentative de règlement négocié.
  3. Voir à régler l’incident via un mécanisme de conciliation.
  4. Réaliser une enquête lorsque la partie principale en fait la demande.
  5. Choisir les recommandations du rapport d’enquête à mettre en œuvre.
  6. Veiller à ce que le processus de règlement soit mené à terme.



Autres considérations importantes


Tout programme de prévention de la violence et du harcèlement nécessite aussi des éléments de préparation parallèles aux cinq grands sujets précisés précédemment. Ceux-ci englobent :  


  • L’identification des caractéristiques du programme (ex. : se focalisant sur le travail et la prévention, etc.).
  • L’engagement formel de la direction (ressources, budget, etc.).
  • Le choix des moyens et les outils (questionnaires, observations, etc.).
  • La préparation et la diffusion du plan de communication à tous les niveaux hiérarchiques.
  • La bonne compréhension de chacune des étapes et de chacun des mécanismes de prévention et d’intervention auprès des employés.



En résumé


La gestion appropriée des incidents de harcèlement et de violence doit être conforme à la règlementation fédérale, à laquelle tout employeur de compétence fédérale doit se soumettre. À cette fin, un plan d’action clair et exhaustif doit prévoir les éléments de prévention ainsi que ceux ayant trait au processus de règlement d’une plainte.


Reportez-vous au Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail pour consulter toutes les dispositions et obligations de l’employeur. Et pour en savoir davantage sur l’implantation d’un programme de prévention en contexte fédéral, ne manquez pas la prochaine formation du Centre à ce sujet, prévue à l’automne prochain.


Bonne prise en charge!

Denis DubreuilCollaborateur

Denis Dubreuil a œuvré à titre de conseiller puis de directeur – Développement des programmes au Centre patronal SST, et ce, durant plus de 20 ans. Il se spécialise entre autres dans le contexte SST des entreprises de compétence fédérale. Il détient une maîtrise en kinanthropologie (concentration en ergonomie) ainsi qu’un DESS en intervention ergonomique en SST, tous deux obtenus à l’Université du Québec à Montréal.