La violence a toujours été inhérente à l’être humain. Selon les époques, elle s’est manifestée de différentes façons, et à divers degrés d’intensité. Forcément, le monde du travail n’a jamais échappé à cette réalité.
Afin de mieux appréhender la violence au travail et certaines de ses facettes contemporaines, vous trouverez ci-après quelques statistiques éloquentes, souvent tirées de recherches effectuées par des experts du domaine.
Des secteurs plus à risque
Le risque zéro au travail n’existe pas. Même dans le doux confort de sa propre maison. Évidemment, certains emplois sont, au sens traditionnel du terme, plus dangereux que d’autres. Aux États-Unis, par exemple, le secteur de l’exploitation forestière affiche un taux d’accident non mortel par tranche de 100 salariés de 3,1 et compte 82 accidents mortels pour 100 000 travailleurs. L’industrie de la chasse et de la pêche recense elle aussi des taux peu enviables (4,2 et 75 pour les mêmes types d’accidents).
Cependant, si l’on inclut la violence verbale et physique, plusieurs autres domaines font courir à leurs travailleurs et travailleuses d’importants risques. Entre autres, 85 % des enseignants (non universitaires) auraient déjà été la cible d’agressions d’élèves ou de parents au moins une fois dans leur carrière. Le Québec ne serait pas en reste à ce chapitre, puisque les violences subies par les professeurs de tous niveaux auraient crû de 64 % de 2018 à 2022. D’autre part, selon diverses études, le personnel en milieu hospitalier pourrait quant à lui être touché jusqu’à 90 % par des actes de violence verbale de patients.
Mesurer l’ampleur du phénomène
Selon l’Organisation internationale du Travail, environ 23 % de tous les travailleurs et travailleuses dans le monde ont déjà été victimes de violence ou de harcèlement en contexte professionnel.
Au Québec, les données de la CNESST indiquent que la violence physique en milieu de travail a progressé de 25 % de 2019 à 2022. En 2022, 75 % des lésions relevaient de la violence physique et 25 % de la violence psychique. Par ailleurs, au moment de l’Enquête québécoise sur la santé de la population 2020-2021, 13 % des personnes occupant un emploi rémunéré auraient été victimes de harcèlement durant les 365 derniers jours.
Au Canada, plus de 70 % des travailleurs de différents secteurs interrogés en 2020 et 2021 auraient subi des agressions ou de la maltraitance au cours des 12 derniers mois. Qui plus est, près de 50 % des femmes au pays ont indiqué avoir fait l’objet de violences de nature sexuelle au travail au moins une fois. À ce titre, les femmes âgées de 25 à 34 ans représentent 60 % des victimes.
La violence sexuelle omniprésente
Chez nos voisins du Sud, plus de 40 % des femmes en emploi auraient déjà subi du harcèlement sexuel au travail. Toutefois, certaines réalités propres aux milieux de travail tendent à accentuer ce risque, ou à le diminuer. Entre autres, les hommes et les femmes en seraient beaucoup moins victimes dans les milieux dominés par des individus de leur propre sexe. Dans le cas contraire, les probabilités passeraient du simple au double.
Par exemple, près d’une pompière sur trois aurait déjà vécu une agression de nature sexuelle au travail. Pour les femmes militaires, cette réalité atteindrait près de 70 %, tandis que plus de 95 % des femmes originaires du Mexique et travaillant en Californie dans le secteur de l’agriculture auraient déjà subi une forme de harcèlement sexuel.
La chaleur ne semble pas adoucir les mœurs
La saison estivale – tant attendue – sera bientôt à nos portes. Sachez cependant que la chaleur intense qui l’accompagne par moment a une incidence directe sur les cas de violence au travail. Ces manifestations, observées à travers plusieurs études, ont même été quantifiées. Chez les facteurs, par exemple, des températures de plus de 32 °C feraient augmenter d’environ 5 % les cas de discrimination et d’agression. Pour information, la pluie n’aurait aucune influence dans ce cas précis.
Dans des circonstances toutes autres, des chercheurs de l’Université du Québec en Outaouais ont aussi donné créance à ce phénomène. Utilisant un échantillon de 2900 rencontres de baseball professionnel, ils ont noté que les matchs où le mercure atteignait les 40 °C comptaient davantage de joueurs ou d’entraîneurs expulsés en raison de violence verbale ou physique.
Quand la violence paralyse
Toutes les statistiques et études possèdent des limites. On peut notamment penser à la taille des échantillons – souvent des plus fragmentaires –, même si leur utilisation demeure méthodologiquement acceptable.
Dans le cas de la violence au travail, qui reste un tabou persistant, la sous-déclaration des cas est aussi problématique. Ainsi, selon l’Organisation internationale du Travail, près de 50 % des salariés victimes de violence ou de harcèlement dans le monde préfèreraient se taire et ne rien déclarer. Au Canada, 90 % feraient de même vis-à-vis les comportements sexualisés inappropriés et discriminatoires.
Dans les milieux policiers, seuls 11 % porteraient plainte après avoir vécu du harcèlement sexuel. Chez les étudiants et étudiantes universitaires de cycles supérieurs, seuls 6,4 % feraient de même après avoir subi un tel comportement d’un professeur ou d’un employé de leur institution. De la même manière, les hommes et les personnes issues de groupes minoritaires seraient moins enclins à rapporter les agressions de nature sexuelle subies.
Enfin, dans certains cas, des gestes ou des paroles caractéristiques du harcèlement sexuel ne sont pas considérés comme tels par les spécialistes, selon les définitions prescrites, lorsque cela n’entraîne pas les conséquences plus couramment associées. On peut penser à des propos un peu trop libertins d’une employée à un collègue, qui n’en ferait pas véritablement de cas, voire qui s’en trouverait amusé.
En eux-mêmes, les chiffres ne mentent (généralement) pas. Ils peuvent même nous aider à saisir et à synthétiser de multiples réalités. Pour aller plus loin dans la compréhension de la violence en milieu de travail et des manières de la prévenir, je vous invite à parcourir les autres articles de ce numéro thématique et à profiter des formations du Centre patronal SST.
Jasmin Pilon • Conseiller en communication
Jasmin Pilon s’intéresse particulièrement à la gestion stratégique de la communication et aux nouvelles technologies de la SST (EPI intelligents, robotique collaborative, cybersécurité, etc.), ainsi qu’aux enjeux qui les accompagnent. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences de la communication et d’un baccalauréat en administration des affaires.