Poser un regard nouveau sur les cycles féminins et la ménopause en milieu de travail

28 février 2025 par
Poser un regard nouveau sur les cycles féminins et la ménopause en milieu de travail
Lorena Fernández

Les femmes, qui représentent 47 % de la population active au pays, jouent un rôle essentiel dans l’économie canadienne. Cependant, elles font face à plusieurs enjeux professionnels souvent négligés. Ma collègue Emilie Gaignard évoquait d’ailleurs dans un article la difficulté pour les femmes d’obtenir des équipements de protection individuels adaptés.


Les problématiques liées aux cycles menstruels et à la ménopause s’ajoutent également aux défis auxquels sont confrontées les femmes. Or, de nos jours, il est regrettable que les cycles de transition hormonale chez la femme (menstruations, préménopause, ménopause et postménopause) restent méconnus ou épineux, dans la société comme dans les milieux de travail, et pour une partie importante des femmes elles-mêmes.


Cet article met en lumière ces réalités et propose des solutions pour créer des environnements de travail sains, sécuritaires équitables et inclusifs.


Faire tomber les tabous


Les menstruations, parfois considérées comme un enjeu personnel et gênant, sont aussi très souvent ignorées au travail, de même que leurs conséquences professionnelles. En France, par exemple, près de 70 % des femmes jugent que les règles constituent un sujet malaisant en entreprise, et plus de 20 % affirment « avoir déjà subi des moqueries ou des commentaires désagréables » pour cette raison.


Évidemment, à la réalité psychosociale s’ajoute la réalité biologique. De la gestion des symptômes prémenstruels aux défis liés aux saignements imprévus ou abondants, en passant par les douleurs intenses (crampes, migraines, etc.), ces souffrances quotidiennes affligent chaque mois nombre de travailleuses.


Cela peut ainsi nuire à leur capacité à s’acquitter de leurs tâches, entraver leur présence au travail, et compromettre leur santé, leur sécurité et leur intégrité physique. De surcroît, la fatigue et la difficulté à se concentrer ou à rester vigilante, provoquées par ces conditions, peuvent augmenter les risques de lésions professionnelles. Et cela passe souvent inaperçu chez les employeurs.


Pourtant, les absences et la baisse de productivité ont des conséquences financières directes sur les entreprises et, par extension, sur l’économie plus globalement. À elle seule, la ménopause représenterait 237 M$ par an en perte de productivité pour les employeurs et 3,3 G$ en pertes de revenus pour les femmes, selon l’enquête Ménopause et vie professionnelle au Canada de la Fondation canadienne de la ménopause (FCM). Deloitte Canada, pour sa part, estime qu’environ 540 000 jours de travail sont perdus chaque année à cause des symptômes liés à la ménopause.


Toujours selon la FCM, 95 % des femmes expérimentent en moyenne 7 des 30 symptômes de la ménopause, qui incluent entre autres les bouffées de chaleur, l’insomnie, les troubles cognitifs, l’anxiété et les douleurs articulaires.


Les conséquences de la ménopause au travail sont multiples pour les femmes :


  • 32 % voient leur rendement diminué.
  • 24 % cachent leurs symptômes.
  • 67 % n’osent pas en parler à leur supérieur ou aux ressources humaines.
  • 48 % sont trop gênées pour demander de l’aide.


Aux défis existants s’ajoutent aussi les préjugés âgistes que subissent et intériorisent les femmes pendant la préménopause et la ménopause, un phénomène qui se manifeste également dans le milieu de travail, dans un contexte socioprofessionnel trop souvent déraisonnablement axé sur la jeunesse.


Construire des environnements équitables et inclusifs


Si l’on considère l’investissement professionnel des femmes, les employeurs auraient tout avantage à normaliser ces réalités féminines et à offrir un accompagnement adapté.


L’accessibilité à des horaires flexibles, avantage auquel peu ont accès, serait l’un des éléments à considérer afin d’offrir du répit face aux symptômes. Malheureusement, plusieurs femmes naviguent au sein d’environnements professionnels particulièrement contraignants. On peut penser aux métiers exigeants physiquement et au travail de nuit, qui souvent intensifient et compliquent la gestion des symptômes et menacent directement la santé et la sécurité des femmes, et nuisent à leurs prestations.


La mise en place de mesures prenant en compte les cycles menstruels et la transition ménopausique permettrait ainsi aux travailleuses de maintenir autant que possible une pleine participation professionnelle. De nombreuses entreprises innovent déjà avec des solutions concrètes alliant confort fondamental et adaptabilité au quotidien :


  • Campagnes de sensibilisation, d’information et d’éducation abordant la réalité des femmes qui traversent ces étapes
  • Accès aux contrôles de température et d’aération (ventilateurs, fenêtres)
  • Uniformes en tissu respirant et de couleur sombre
  • Flexibilité quant au port de l’uniforme et aux superpositions de vêtements
  • Possibilité de se changer pendant le travail
  • Accès fréquent aux toilettes permis
  • Approvisionnement en produits hygiéniques féminins
  • Nombre suffisant de poubelles souvent vidées près des toilettes
  • Flexibilité de travail (télétravail, horaires souples, modifications de quart)


Les organisations voudront également s’assurer, lors de l’évaluation des risques, que l’environnement de travail ne contribue pas à aggraver les symptômes, en prenant

des mesures pour promouvoir le respect et la solidarité, et éliminer toute forme de discrimination ou de harcèlement envers les femmes qui traversent ces périodes.


Un environnement de travail attentif aux défis féminins permet aux travailleuses de bénéficier d’un meilleur soutien pendant leurs cycles menstruels et la ménopause, ce qui contribue également à la stabilité des équipes. Cette approche bienveillante peut entre autres prévenir l’absentéisme et le présentéisme, et réduire le roulement de personnel et les retraites anticipées.


Aujourd’hui, reconnaître et aborder ouvertement ces réalités n’est plus une option, mais une nécessité pour bâtir des milieux de travail sains, sécuritaires, équitables et inclusifs. À vous maintenant, en tant qu’employeur, de considérer les initiatives concrètes qui pourraient faciliter au quotidien la vie des femmes dans votre organisation.


Je vous suggère de commencer votre démarche en parcourant les ressources de la Fondation canadienne de la ménopause, dont le Guide à l’intention des employeurs, qui offre un plan pratique en cinq étapes afin d’encourager toute organisation à passer à l’action, ainsi que la page de vulgarisation sur la ménopause de l’Organisation mondiale de la Santé.