Protection de la sécurité psychologique

Pratiques gagnantes et pièges à éviter
23 février 2022 par
Régine Manacé

La fin du télétravail obligatoire au Québec (prévue à compter du 28 février 2022) et le deuxième anniversaire de la pandémie de COVID-19 arrivent presque au même moment. Le retour en présentiel comporte de nombreux défis, notamment en raison de la fragilisation des travailleurs sur le plan de la santé mentale depuis le début de la pandémie. D’ailleurs, l’entrée en vigueur de la Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail a fait naître une nouvelle obligation pour les employeurs : la prévention des risques psychosociaux. À ce titre, ma collègue Lorena Fernández a présenté, dans un billet publié en octobre 2021, 13 facteurs de risques psychosociaux reconnus par la littérature.


Pour ma part, je souhaite approfondir l’un de ces 13 facteurs de risque, soit la protection de la sécurité psychologique. Je suivrai deux étapes. Premièrement, je présenterai une définition. Deuxièmement, je comparerai deux milieux de travail qui ont fait l’objet d’un débat sur la question du contrôle efficace du risque d’atteinte à la sécurité psychologique des employés.


Il est utile de reprendre la définition qui se trouve sur le site Internet Protégeons la santé mentale au travail, auquel Lorena réfère dans son texte. Celui-ci indique que la sécurité psychologique des employés est protégée lorsqu’ils sentent qu’il s’agit d’une priorité dans leur milieu de travail.


À ce propos, deux décisions récentes des tribunaux font état des conclusions des décideurs en ce qui a trait à l’implantation de mécanismes de surveillance et de leurs effets sur l’intégrité psychique des travailleurs.


Le premier jugement oppose le Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal (SPPMM) à la Ville de Montréal (Ville). Le litige porte sur un logiciel de sécurité informatique de la Ville dont le SPPMM conteste l’utilisation. Le logiciel est décrit comme étant « un système de sécurité qui capte des données ciblées de consultation, à partir des codes d’utilisateurs, des catégories des sites visités et du nombre de connexions effectuées ». L’employeur indique qu’il met en place ce suivi informatique afin de prévenir un danger (une attaque externe) ou d’y réagir rapidement. Le SPPMM plaide qu’il y a une atteinte à la vie privée de ses membres et que leurs conditions de travail sont de ce fait déraisonnables.


En première instance, l’arbitre procède à une analyse détaillée. Elle réfère, entre autres, aux mesures prises par la Ville (communiqués, mise en garde affichée sur l’ordinateur) pour rappeler aux employés que l’utilisation d’Internet est enregistrée et susceptible de vérification en tout temps. Ces mesures prises par l’employeur sont un exemple de la façon dont il contrôle le risque d’atteinte à la sécurité psychologique des employés. De plus, l’arbitre mentionne que « ce suivi informatique des connexions Internet faites par des milliers d’utilisateurs (22 000) ne peut être assimilable à de la surveillance constante ou continue effectuée par exemple par une caméra qui fixe, capte ou épie un employé tout au long de sa journée de travail ».


Elle ajoute que le logiciel ainsi que les rapports qu’il génère ne correspondent pas à une surveillance constante des employés assimilable à une forme de harcèlement. D’ailleurs, les rapports de journalisation anonymes ciblent uniquement les 50 plus grands utilisateurs d’Internet sur 22 000 employés. L’information est donc limitée. Elle conclut en indiquant que la surveillance ne mène pas à des conditions de travail déraisonnables ni à une atteinte à la vie privée des employés. Dans le cas où il pourrait y avoir atteinte à la vie privée, elle considère que cela serait justifié. La Cour supérieure du Québec a confirmé la décision de l’arbitre.


La seconde affaire implique Magasin Baseball Town inc. et deux employés responsables des ventes qui se plaignent de harcèlement psychologique dans un contexte de vidéosurveillance. Un juge administratif entend la cause. D’un côté, l’employeur fait valoir que la vidéosurveillance vise principalement à lutter contre le vol à l’étalage. De l’autre côté, les employés indiquent qu’ils comprennent la nécessité d’utiliser des caméras de surveillance. Toutefois, ce qui est dénoncé est le fait de se sentir épiés et de subir du harcèlement psychologique dans le milieu de travail.


Le Tribunal examine la preuve et formule plusieurs reproches à l’endroit de l’employeur. Il mentionne que les caméras de surveillance, dont l’objectif initial était de prévenir le vol à l’étalage, sont devenues un outil de gestion et de contrôle du travail des employés. Il renchérit en indiquant que la surveillance excessive a porté atteinte à la dignité et à l’intégrité des deux employés. Il termine en mentionnant que l’employeur a manqué à ses devoirs légaux en ne prenant pas des moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique ou pour le faire cesser, lorsque porté à sa connaissance.


En conclusion, l’examen de la jurisprudence nous a permis de constater que la négligence de la protection de la sécurité psychologique pourrait avoir de graves conséquences. Or, ce ne sont pas tous les employeurs qui savent quel chemin emprunter afin d’assumer leurs obligations à cet égard. Je vous propose ainsi, à titre complémentaire, la lecture du texte Une démarche de prévention du harcèlement psychologique en trois temps!, paru tout récemment sur le site du Centre patronal SST. Bonne lecture!