Au cours des dernières années, la déconnexion aux communications électroniques (courriels, appels téléphoniques, textos, etc.) liées au travail a fait l’objet de discussions au sein des instances gouvernementales fédérales. En 2019, par exemple, le Rapport du Comité d’experts sur les normes du travail fédérales modernes ne recommandait pas « qu’un droit légiféré à la déconnexion soit accordé », mais qu’un « énoncé de politique sur la question de la déconnexion » soit plutôt publié par l’employeur.
Plus récemment, en février 2022, le Comité consultatif sur le droit à la déconnexion a déposé la version définitive de son rapport, après avoir obtenu un mandat visant à « améliorer les protections du travail dans le Code canadien du travail » (CCT). Ce rapport a profité des recommandations de syndicats, d’ONG, de représentants d’employeurs et d’experts internationaux. À ce moment, le gouvernement canadien s’est formellement « engagé à élaborer une politique sur le droit à la déconnexion […] afin que les travailleurs puissent se déconnecter à la fin d’une journée de travail sans craindre pour leur sécurité d’emploi, et qu’ils puissent retrouver un sain équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée ».
C’est ainsi que fut sanctionnée le 20 juin 2024 la Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 16 avril 2024 (C-69), qui a modifié le CCT en imposant de nouvelles obligations à l’employeur de compétence fédérale en ce qui a trait aux communications et à la déconnexion.
Un nouveau cadre législatif
D’entrée de jeu, sachez que les nouvelles dispositions légales fédérales ne sont pas encore en vigueur – elles le seront à la suite d’un décret à venir –, et qu’elles n’imposent aucun horaire ou limite de temps à l’égard de la déconnexion au travail.
Essentiellement, l’élément principal des nouveautés prescrit à l’employeur d’élaborer une politique sur la déconnexion et les communications liées au travail. Voici les trois éléments auxquels tout employeur de compétence fédérale devra prochainement se conformer.
1. Politique sur la déconnexion
C’est à la partie III du Code canadien du travail que l’on retrouve, entre autres, les règles relatives à la notion de « durée du travail ». Et c’est précisément là que l’on repère une nouvelle responsabilité pour l’employeur. Le nouvel article 177.2 du CCT impose ainsi aux organisations, dans un délai de 12 mois suivant la date d’application de cette nouveauté, de mettre en œuvre une politique dont le contenu doit minimalement prévoir les aspects suivants :
- Une règle générale relative aux communications liées au travail en dehors des heures de travail.
- Les exceptions à cette règle générale.
- La date d’entrée en vigueur de cette politique de l’employeur.
- Les employés exclus (s’il y a lieu) de l’application de cette politique.
2. Mise à jour de la politique
L’employeur devra réviser sa politique sur la déconnexion au plus tard trois ans après sa publication. Il doit également la mettre à jour en ayant consulté les employés, en leur accordant une période minimale de 90 jours pour présenter leurs observations.
3. Registre et affichage
Conformément aux exigences règlementaires, l’employeur de compétence fédérale doit consigner les renseignements relatifs à l’élaboration de sa politique, à la mise à jour de celle-ci, ainsi qu’à la consultation des employés.
Il est aussi tenu d’afficher sa politique de manière permanente dans des endroits facilement accessibles aux employés visés par celle-ci, au plus tard à la date de prise d’effet de la politique.
Finalement, l’employeur est dans l’obligation de fournir aux employés concernés un exemplaire de la politique – en format papier ou électronique – dans les 30 jours suivant la date d’entrée en vigueur. Selon les besoins spéciaux des employés, l’employeur doit transmettre une version assurant la prise de connaissance adéquate de la politique (braille, caractères de plus grande taille, enregistrement audio, etc.).
Des exceptions
Le droit à la déconnexion vaut pour les employés soumis au CCT, qui œuvrent dans un secteur d’activité de compétence fédérale (transport maritime ou aérien, banques, etc.) ou sont fonctionnaires fédéraux. Les employés syndiqués d’un secteur de compétence fédérale dont la convention collective est jugée adéquate à ce titre tant par leurs représentants que la partie patronale sont par ailleurs exemptés.
Comme indiqué précédemment, bien que la Loi ait déjà été sanctionnée, les modifications entreront officiellement en vigueur lorsqu’un prochain décret en fera mention. Celui-ci ne tardera certainement pas à être publié et, à ce moment, l’employeur aura 12 mois pour mettre en œuvre sa politique sur la déconnexion. Le Centre patronal SST vous tiendra au courant de tout développement lié à l’application du droit à la déconnexion en contexte fédéral.
Entre-temps, je vous invite à consulter la seconde partie de notre série sur la déconnexion au travail, qui considère les aspects délétères de l’hyperconnectivité, recense les meilleures façons de la maîtriser, et examine la législation déjà mise en avant dans différents pays.

Denis Dubreuil • Collaborateur
Denis Dubreuil a œuvré à titre de conseiller puis de directeur – Développement des programmes au Centre patronal SST, et ce, durant plus de 20 ans. Il se spécialise entre autres dans le contexte SST des entreprises de compétence fédérale. Il détient une maîtrise en kinanthropologie (concentration en ergonomie) ainsi qu’un DESS en intervention ergonomique en SST, tous deux obtenus à l’Université du Québec à Montréal.

Jasmin Pilon • Conseiller en communication
Jasmin Pilon s’intéresse particulièrement à la gestion stratégique de la communication et aux nouvelles technologies de la SST (EPI intelligents, robotique collaborative, cybersécurité, etc.), ainsi qu’aux enjeux qui les accompagnent. Il est titulaire d’une maîtrise en sciences de la communication et d’un baccalauréat en administration des affaires.