Ne sous-estimez jamais l’effet fédérateur et catalyseur des formations en SST pour impulser l’efficience organisationnelle.
Dans les années 1990, j’en étais à mes débuts en santé-sécurité. Je m’occupais alors de prévention et de formation en SST pour une usine de bois d’œuvre de 350 employés nommée Maibec, située dans ma (petite) ville d’origine, à Saint-Pamphile, en Chaudière-Appalaches.
Le président-directeur général de l’entreprise, M. Gilbert Tardif, avait la réputation d’être un visionnaire. Son style de gestion pouvait surprendre, à plus forte raison si l’on considère son âge, soit plus de 70 ans à l’époque. Un jour, ce dernier m’a rendu visite pour formuler une demande à laquelle je ne m’attendais pas. Il m’a alors dit : « François, nos employés ont été embauchés dans les années 1970 et 1980 comme manœuvres, et plusieurs d’entre eux n’ont pas terminé leurs études secondaires. J’aimerais que vous vous occupiez de mettre en place un programme d’études en français et en mathématiques pour eux, auquel ils pourraient s’inscrire, sur une base volontaire. »
Je me rappelle avoir été dubitatif face à son projet, mais aussi ses arguments : « Ceux qui s’inscriront seront fiers de leur réussite et pourront comprendre les rapports que génèrent les ordinateurs et les nouveaux équipements; et ce n’est qu’un exemple. Bref, ils en ressortiront plus motivés. » Dans les semaines qui ont suivi, j’ai conclu une entente avec la commission scolaire de notre région et, sur une base volontaire, 150 de nos 350 employés se sont inscrits à notre programme d’études secondaires en français et en mathématiques. Ce fut un extraordinaire succès!
Au cours des années suivantes, inspiré par M. Tardif, je me suis occupé de projets de formation, qui ont favorisé la motivation de nos employés. Entre autres, nous nous tournions toujours vers nos employés de plancher lorsque venait le temps de sélectionner des formateurs internes. Oui, la formation permettait de transmettre les connaissances attendues pour tel ou tel enjeu (poste de travail, procédures, etc.), mais elle servait aussi de puissant moteur propulsant l’engagement des salariés.
Après avoir passé plusieurs années au sein de cette entreprise, j’ai joint le groupe de conseillers et formateurs du Centre patronal SST. Mon expérience en animation de formation au Centre m’a permis d’être le témoin privilégié de pratiques inspirantes en matière de formation, et ce, à plusieurs reprises. Toutes ces bonnes pratiques de santé-sécurité me rappellent ces moments enrichissants vécus avec M. Tardif de Maibec.
Voici trois autres exemples marquants plus récents…
EXEMPLE 1 : OFFRIR AUX EMPLOYÉS QUI S’ENGAGENT EN SST DES FORMATIONS AUX CONTENUS VARIÉS, EN GUISE DE RECONNAISSANCE
À l’automne 2018, on m’a demandé de partager des savoirs SST à un groupe d’employés œuvrant pour une entreprise manufacturière spécialisée dans les produits d’étanchéité située dans la région du Centre-du-Québec. Les enseignements en question étaient adaptés à leurs besoins et tournaient autour des habiletés de communication permettant d’intervenir efficacement auprès d’un collègue de travail lorsqu’un comportement à risque est observé. La formation qu’avait choisie la directrice SST de cette entreprise était conçue pour les membres du comité de santé et de sécurité. Donc, pour des groupes dont la taille ne dépasse pas 10 personnes. Or, cette fois-là, ils étaient une trentaine!
La directrice SST m’a alors appris que les participants, des employés de production, s’étaient montrés volontaires pour devenir « ambassadeurs en SST ». Chez eux, les ambassadeurs en SST avaient comme principal mandat d’intervenir auprès des pairs lors de l’observation de comportements non sécuritaires. J’avoue avoir été impressionné par cette initiative peu commune et je me rappelle avoir rapidement demandé à cette directrice comment elle s’y était prise pour motiver ses employés à adhérer à une telle démarche avec autant d’enthousiasme.
Elle m’a tout de suite répondu : « Par la formation! » Elle m’a expliqué qu’elle offrait à ses ambassadeurs trois formations par année sur des thèmes variés en SST. Cette pratique visait à reconnaître l’engagement démontré par ses ambassadeurs vis-à-vis de la prévention.
Par la suite, je suis retourné dans cette entreprise afin de réaliser une capsule vidéo au sujet de ces ambassadeurs en SST et j’ai effectué des entrevues avec quelques-uns d’entre eux. L’une des ambassadrices s’était dite très heureuse de recevoir toutes ces formations en SST, et j’ai conservé son témoignage pour le montage de ma capsule. Chaque fois que je la présente lors de la formation Superviseur et coach en SST, je souligne l’importance de reconnaître les efforts de nos meilleurs éléments en les formant davantage en SST. C’est un investissement autant pour le personnel que pour l’entreprise.
EXEMPLE 2 : SUSCITER L’ENGAGEMENT DU PLUS GRAND NOMBRE EN FAISANT APPEL À LA FORMATION
Comme formateur, j’ai rarement l’occasion de pouvoir constater les effets subséquents du travail que j’effectue auprès des groupes lors des séances. Mais il arrive parfois que je puisse entrevoir rapidement les résultats positifs.
Ce que je vous décris ci-après s’est déroulé récemment, alors que j’offrais deux fois la même formation, à deux groupes différents. Il s’agissait de superviseurs, et de leurs responsables respectifs, œuvrant pour une entreprise de l’industrie lourde de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Le responsable du dossier prévention avait des exigences claires : il souhaitait un plus grand engagement de la part de ses superviseurs en SST.
La formation Superviseur et coach en SST était celle qui convenait le mieux à ses attentes. Dans cette formation, nous mettons à plusieurs reprises l’accent sur l’importance de susciter l’engagement du plus grand nombre possible dans les projets de SST.
Lors de la première formation, le responsable du groupe s’est montré des plus motivés par ces messages, qu’il renforçait lui-même en donnant des exemples tirés de l’entreprise. Le lendemain, pour la seconde formation, quelle ne fut pas ma surprise de constater qu’un nouveau participant ne figurant pas sur la liste avait joint le groupe. Il s’agissait d’un chef d’équipe.
Ce dernier avait été ajouté par le responsable du cours précédent. Il voyait en lui les qualités nécessaires pour une participation constructive dans les projets de SST. Ce chef d’équipe était d’ailleurs bien fier de participer à notre formation. Il considérait cela comme une marque de reconnaissance. Je n’ai d’ailleurs pas manqué de le souligner durant la formation. Pendant celle-ci, nous avons eu la visite du responsable, qui a profité de l’occasion pour remercier son chef d’équipe. Gageons que ce dernier demeurera motivé par la prévention pour un bon bout de temps!
EXEMPLE 3 : INVESTIR DANS LE SAVOIR-ÊTRE DES GESTIONNAIRES DE 1ER NIVEAU EN AYANT RECOURS À LA FORMATION ET AU COACHING
Mon dernier exemple est particulièrement emblématique. De plus, il est frais dans ma mémoire, car il est tout récent. Encore une fois, il s’est produit lors de la formation Superviseur et coach en SST, mais lors d’une séance à l’entreprise Loue Froid, à Laval.
Photo 1. De gauche à droite :
Jean-François Tremblay, Nicholas Lavoie et Brian Pimentel, de Loue Froid
Sachant que j’allais prochainement écrire le présent texte, j’ai demandé à certaines personnes si je pouvais les nommer, ainsi que leur entreprise, et les prendre en photo (ci-contre) afin d’illustrer mon texte. Le groupe était constitué de chefs d’équipe, mais un employé, Nicholas, avait aussi été inscrit à la formation en raison de sa motivation pour la prévention. À un moment, pendant celle-ci, j’ai félicité les chefs d’équipe pour leur participation à notre journée de formation. Je leur ai aussi dit que je savais qu’ils étaient aussi dans une démarche de coaching et qu’ils seront ainsi pleinement outillés pour les interactions avec leurs équipiers et leurs équipières. J’ai de surcroît avoué que je n’étais pas souvent témoin d’initiatives aussi exhaustives.
Après avoir adressé au groupe ces compliments, Nicholas a précisé devant les participants qu’en tant qu’employé, il voyait une grande différence dans la qualité des interactions avec son propre chef, Jean-François, lui-même présent à la formation. Wow! J’étais très heureux d’entendre ce beau compliment et j’ai félicité Brian, le porteur du dossier prévention de Loue Froid, qui figurait lui aussi au nombre des participants. Donc, oui, la formation sur les différentes facettes du savoir-être peut grandement améliorer l’organisation du travail et permettre de gagner les gens sur le plancher. Nicholas en est la preuve!
François Boucher • Conseiller et formateur en SST
François Boucher détient un baccalauréat en enseignement de l’Université du Québec à Montréal. Communicateur hors pair, il est notamment apprécié pour son humour, son originalité et sa capacité à capter l’intérêt de son auditoire. Il s’intéresse notamment au volet prévention de la SST et à la qualité des interactions entre les superviseurs et les employés.